Espaces publics
Plus de place(s) aux femmes en ville
Sur la centaine de rues lausannoises portant des noms de personnalités, trois seulement honorent aujourd’hui des femmes. La Municipalité a adopté une stratégie pour leur donner plus de place dans l’espace public. Premier changement en juin: la place située devant l’église Saint-Laurent deviendra la «place du 14 Juin».
Sur la centaine de rues lausannoises portant des noms de personnalités, trois seulement honorent aujourd’hui des femmes. La Municipalité a adopté une stratégie pour leur donner plus de place dans l’espace public. Premier changement en juin: la place située devant l’église Saint-Laurent deviendra la «place du 14 Juin».
Il y a peu, la Municipalité a lancé ses travaux pour se doter d’une stratégie de visibilisation des femmes dans l’espace public. Son constat a vite été dressé: la place de cellesci est aujourd’hui réduite. Même en comptant les futures rues de l’écoquartier des Plaines-du-Loup, il n’y aura à Lausanne que sept rues portant des noms féminins, pour 102 masculins, soit une proportion de 6,4%.
Atteindre la parité est un but qui paraît aujourd’hui lointain. La Municipalité a pu identifier une dizaine de lieux lausannois qui ne portent pas de nom. Quant à débaptiser des rues ou des places portant d’autres noms, «c’est compliqué et ce n’est pour l’instant pas à l’ordre du jour», précise Joëlle Moret, déléguée à l’égalité et la diversité. Une bonne surprise pour concrétiser rapidement cette stratégie adoptée en février: la place située devant l’église Saint-Laurent, appelée habituellement «place Saint- Laurent», n’a actuellement pas de nom officiel. La Municipalité a donc pris la décision de lui donner le nom de «place du 14-Juin».
Cette date a été choisie pour marquer l’inscription ce jour-là, en 1981, du principe d’égalité entre les femmes et les hommes dans la Constitution fédérale. Les grèves des femmes de 1991 et de 2019 commémoraient cette date, et la nouvelle place rappelle au passage que l’égalité n’est pas encore acquise. Le baptême de cette place a été fixé au 6 juin.
Une liste d’une centaine de femmes
Une dizaine d’autres lieux porteront donc prochainement des noms de femmes. Deux historiennes ont été chargées d’identifier des personnalités féminines qui ont marqué la vie lausannoise au cours des siècles. La liste est encore à l’étude et la sélection de la dizaine d’élues pour les lieux disponibles au baptême devrait intervenir sous peu. A plus long terme, les noms de femmes auront la priorité dans les nouveaux projets urbanistiques.
D’autres figures de la liste pourront être honorées sur des plaques commémoratives. La Ville a commencé à en poser en 1992 déjà. Il y en a actuellement 43 en ville, dont 14 pour des femmes. La Municipalité en promet cinq nouvelles d’ici la fin de la législature, dans un an.
Une oeuvre d’art sera par ailleurs commandée, qui prendra place sur l’une des placettes nouvellement nommées. Cette oeuvre traitera, de manière directe ou indirecte, de la question de l’égalité entre femmes et hommes ou du droit des femmes.
Enfin, la Ville projette de publier un ouvrage pour retracer la vie de «cent femmes qui ont marqué de leur empreinte le développement de la cité». Parmi elles, on peut citer notamment Henriette Favez, née à Lausanne vers 1791, partie à Cuba où elle est devenue médecin, mais sous une identité masculine à une époque où la profession était interdite aux femmes. Son destin hors du commun a été reconstitué dans le film Insoumises (2019).
A. Maillard

Un urbanisme masculin
La stratégie municipale de visibilisation des femmes s’inscrit dans une volonté plus large de rendre la ville plus inclusive. Des études montrent que l’espace urbain est «pensé principalement pour des hommes jeunes, en bonne santé, et qui travaillent», relève Joëlle Moret. Il est souvent moins favorable aux femmes dont les trajets sont moins directs (travail, courses, crèche, maison), qui accompagnent des enfants en poussette ou des personnes en chaise roulante, ou encore qui craignent pour leur sécurité dès que la nuit tombe.
Le 11 mai 2020 a eu lieu, une conférence-débat, avec pour thème: «Les Villes ont-elles un genre?» L’invité principal était Yves Raibaud, géographe à l’Université de Bordeaux et auteur du livre: La ville faite par et pour les hommes (Belin, 2015).