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Anne-Christine Wanders nous ouvre ses archives familiales

Vous aussi, vous avez hérité de cartons de lettres, photos et autres documents de famille? Anne-Christine Wanders partage son expérience, et son histoire familiale passionnante, à travers des rencontres à la Bibliothèque Montriond en juin, septembre, octobre et novembre 2023. A la clé: la création d’un groupe d’échanges.

Nous sommes à Renens chez Anne-Christine Wanders, 58 ans, géographe aux multiples passions. Dans son salon, à côté de la télévision, mais aussi dans la chambre d’ami, sur son bureau, ou sur la table du coin cuisine, des piles de documents anciens - paquets de lettres, enveloppes jaunies, albums, boîtes en bois - soigneusement empilés. C’est ce qui lui reste de l’histoire de ses parents et grands-parents. Et c’est avec eux, père, mère, grands-pères, grands-mères, qu’elle vit depuis trois ans.

Cette histoire commence au décès de sa maman, en 2017, suivi de celui de son papa, en 2022. Tous deux ont vécu ensemble la plus grande partie de leur vie dans une villa du quartier de Chailly, à Lausanne. En 2020, alors que son père est entré en maison de retraite, Anne-Christine profite de la période Covid pour ranger et trier les affaires de la maison de ses parents. «Et là, je découvre des trésors au fonds d’un réduit! Une malle pleine de literie ancienne, mais aussi plusieurs cartons remplis de documents et photos que je ne connaissais pas! J’étais ravie et excitée!» Elle découvre notamment des photos de son père enfant, réalisant n’en voir jamais vues. «J’ai pu les lui montrer avant son décès. Il m’a confirmé que c’était bien lui! De beaux moments d’émotions!» Lorsque la maison est mise en location, il s’agit de tout vider. «C’était une évidence pour moi que j’allais garder ces documents pour m’y plonger, et non les jeter.»

Bien lui en a pris: son histoire familiale, riche en péripéties, épouse les soubresauts du 20e siècle et témoigne d’une histoire européenne tourmentée. Sa mère, née Barbara Vincenz en 1924 en Pologne, a 15 ans lorsque la Deuxième guerre mondiale est déclarée. Sa famille fuit en Hongrie, puis traverse les zones occupées pour arriver en France en 1946. Après des études en physique à Grenoble, elle poursuit avec un doctorat à Genève, ville où elle rencontre son futur mari, Gérard Wanders. Lui aussi physicien, il est né en 1930 à Clarens / Montreux dans une famille d’origine allemande. Gérard et Barbara se marient à l’été 1959, puis partent pour deux ans à Hambourg avant de revenir en Suisse en 1961, avant la naissance de leur premier enfant. Gérard Wanders est alors nommé professeur de physique à l’Université de Lausanne.

«Ma mère adorait autant raconter sa jeunesse et l’histoire de sa famille que conserver les traces de cette histoire!», se réjouit Anne-Christine Wanders.

Ainsi, dans les trésors qu’elle retrouve dans la maison de ses parents, une série de documents de voyage, cartes d’identité, passeports, laissez-passer et divers documents provisoires délivrés par la Pologne, la Hongrie, l’Autriche ou la France dans les années 1930 et 1940, témoignant de la migration forcée de la famille maternelle d’Anne-Christine. Plusieurs piles de lettres en polonais, hongrois et allemand et français s’étalent sur plusieurs générations, renfermant parfois d’émouvantes fleurs séchées entourées de leur ruban d’origine.

Un document a particulièrement ému Anne-Christine: l’acte d’origine de son grand-père paternel. «Mon grand-père, né en Allemagne en 1879, est arrivé en Suisse à la fin du 19e siècle. Appelé à combattre pour l’Allemagne en 1914, il a refusé et tout mis en oeuvre pour se naturaliser suisse rapidement.» Ce qu’il a fait dans la commune de Rohner, dans le canton de Lucerne, en 1915. «Sur ce document figure le nom de sa première femme, alors que ma grand-mère est sa seconde épouse. Encore une couche de l’histoire familiale qui se découvre ainsi! Ce document fonde ma propre origine administrative, ainsi que celle de toute ma famille!»

Parmi les autres pépites de ces archives de famille, le «Cahier de souvenirs» de sa grand-maman paternelle Selma Guttstein, renfermant une trentaine de dessins et de petits mots de ses camarades et amies datés des années 1919 à 1935, ainsi que son cahier de l’école ménagère de Weggis, couvrant un semestre de l’année 1925. Ou encore les minuscules agendas de sa mère, datés des années 1950, dans lesquels, étudiante réfugiée sans le sous à Genève, elle note chacune de ses dépenses, lait, café, foulard ou loyer. Une ligne interpelle - «Payé Jeanne 150 fr»: «Ma mère a habité quelques temps chez la philosophe genevoise Jeanne Hersch, qui était une amie de ses parents!» Une pile de photographies, joyeuses et bucoliques, racontent les étés encore insouciants de sa famille maternelle dans sa maison de la région des Houtsoules, au cœur des Carpates - une terre alors polonaise, sous occupation soviétique dès 1939, et désormais ukrainienne...

Si Anne-Christine Wanders a décidé de témoigner de ses trouvailles, et de partager l’histoire de sa famille avec le public, c’est qu’elle s’est rendu compte de l’intérêt de ce qu’on appelle «archives de la vie privée» ou «archives de la vie ordinaire». «Si ces documents sont un trésor pour moi et pour ma famille, ils peuvent aussi intéresser des archivistes. D’ailleurs, le responsable des archives privées des Archives cantonales vaudoises est venu prendre connaissance de ces documents. Il m’a posé des questions sur l’histoire de ma famille. Nous avons convenu que je ferai un premier inventaire, avant de les lui confier. Je souhaite aussi réfléchir à une valorisation de tout cela pour ma propre famille. Pourquoi pas un site internet, ou la rédaction d’une synthèse écrite, avec des documents.»

Anne-Christine Wanders propose trois rencontres publiques - 29 mars, 26 avril et 14 juin à 19h - autour du thème «Que faire de nos archives familiales?» dans le cadre du cycle «Carte blanche» de la Bibliothèque Montriond. «Je vois ces trois rencontres comme un premier partage d’expériences. Pourquoi pas, à terme, la création d’un groupe d’échanges? Tant de questions se posent à nous lorsque nous héritons de papiers de famille. Qu’en faire? Comment savoir ce qui est intéressant? A qui demander conseils? Comment valoriser nous-mêmes ces archives de famille?»

Au contraire de la tirer vers le passé, ou de l’encombrer, ce travail lui insuffle une belle énergie. «Je me sens entourée de ma famille! Et cela me permet de mieux comprendre d’où je viens, et qui je suis, pour aller de l’avant. J’avais terminé mes études de géographie avec un doctorat sur le thème de la migration: la preuve que cette thématique me passionne depuis toujours!»

Isabelle Falconnier

Carte blanche à Anne-Christine Wanders

Dans le galetas de la maison de ses parents, Anne-Christine Wanders a découvert des cartons remplis de vieux documents conservés par ses parents et grand-parents. Ces documents ont une valeur inestimable, pas seulement pour elle, mais aussi pour les historiennes et historiens qui trouvent des mines d’informations dans les archives privées, aussi appelées archives de la vie ordinaire. Participez à notre groupe d’échanges sur les archives familiales!

     
Bibliothèque Montriond  
Quand mercredi 14 juin, 20 septembre, 25 octobre et 29 novembre 2023 de 19h à 20h30  
Public dès 15 ans, sur inscription  

 

3 questions à Charline Dekens, archiviste adjointe des Archives de la Ville de Lausanne

Que faire lorsqu’au décès de membres de sa famille, on hérite de documents privés divers?
Il n’existe pas de réponse toute faite à cette question, me semble-t-il. Place à la curiosité, au respect de l’intime? Présent unique et inestimable, simple devoir d’inventaire? Certaines personnes verront un intérêt à en prendre connaissance et à les conserver, pour eux-mêmes ou pour le reste de leur famille; d’autres, pas du tout, ni pour eux-mêmes ni pour les autres, et il existe une palette de sentiments et de situations entre ces deux postures qui n’appellent aucun jugement et peuvent évoluer au fil du temps. En cas de doute, je suggérerais d’échanger avec des proches et de se laisser du temps justement. Toutefois, si celui-ci est compté, tout comme l’espace, et que cela n’est pas possible, un échange avec des pairs comme celui proposé par Mme Wanders est tout indiqué!

Comment savoir ce qui peut intéresser les archives d’une commune ou d’un canton?
La question de l’évaluation d’un fonds, voire d’un document isolé, est au cœur du métier de l’archiviste et peut difficilement se régler en quelques mots. Je dirais que si vous êtes en possession d’un ensemble de documents, fruit de votre famille ou de votre appartenance professionnelle ou associative avec ou sans but lucratif, que celui-ci documente un aspect de l’histoire d’une commune ou d’un canton, quel que soit la période ou le sujet, que son caractère représentatif ou spécifique vous semble digne d’intérêt, et que vous seriez prêt à vous en dessaisir au bénéfice de la collectivité, alors, je vous inviterais à prendre contact avec l’archiviste de votre commune ou de votre canton pour approfondir la question et faire entrer en ligne de compte une série d’éléments.

Les Archives de la Ville de Lausanne proposent-elles des services et conseils en la matière au public?
Les Archives de la Ville conservent à ce jour plus de 800 fonds privés dont la majorité est librement consultable, bien que tous ne soient pas encore traités. Nous avons déjà proposé des cafés numériques sur les archives audiovisuelles avec pour objectifs de sensibiliser et d’orienter les participants aux démarches et aux défis propres à l’archivage de tels documents. Nous pourrions reconduire ce type de médiation pour des fonds d’archives privées de nature écrite si une forte demande se manifestait, tout en précisant que la transmission d’un savoir-faire professionnel dans un laps de temps très court n’est pas une gageure, et que nous n’avons pas encore de solutions éprouvées en matière d’archivage numérique, si tant est qu’elles existent!

Coordonnées

Bibliothèque Montriond
Service des bibliothèques et archives

Avenue de la Harpe 2
1007 Lausanne

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