Donner vie et corps à la mort par la parole
Un Café mortel à la bibliothèque pour parler de la mort, de la vie et de l'espérance? C'est le 19 novembre à La Sallaz avec Albane Bérard, confondatrice d'EnVie de Dire la Mort. Elle explique pourquoi il est essentiel de remettre la mort au cœur de la société, pour échanger sans jugement.
D'un café à une bibliothèque
Pour Albane Bérard, l’une des 6 membres ayant fondé l’association EnVie de Dire la Mort, tout a commencé par un drame personnel. Pendant cette épreuve, elle prend conscience à quel point la mort est un tabou sociétal. Ça ne l’empêche pas d’aborder le sujet lors de séances en groupe, organisées par l’association Arc-en-Ciel (pour parents en deuil d’enfant). Et quel bien ça lui fait de libérer sa parole! Tellement qu’elle devient co-responsable de l’antenne Chablais-Vaud-Valais, place qu’elle occupe encore aujourd’hui: «je voudrais donner un peu de ce que j’ai reçu».
Dans ce cadre associatif, elle demande à Bernard Crettaz d’animer un Café mortel. Il en anime deux. Puis, Albane participe à des journées de transmission, qu’il dispensait afin de transmettre son expérience. Six des participantes et participants décident de fonder EnVie de Dire la Mort. Leur premier Café mortel, intitulé «La mort, comment la vivre», a lieu en février 2015.
Le titre du Café mortel du 19 novembre prochain à la Bibliothèque La Sallaz, lui, est: «Parlons de la mort, de la vie, de l’espérance». Un tel titre pour faire comprendre «qu’on ne va pas tous être là avec nos mouchoirs à pleurer du début à la fin». Point important qu’Albane tient à souligner. Ce qui se comprend tout à fait: la mort est aussi indéniable que la vie. Autre fait indéniable: Albane n’est pas thérapeute. Pour elle, la voix de chacune et chacun peut s’exprimer, porteuse d’un récit unique: «on est tous humains et, en tant que tels, on peut tous transmettre quelque chose». Et si elle remarque qu’une personne vit mal le moment, elle sait agir en responsable, proposant un accompagnement spécialiste professionnel.
La mort sortie de son coin sombre
«Parler de la mort au bistrot» ne nécessite de toute manière pas forcément un soutien spécialisé. Oui, l’idée est simple, essentielle…mais aussi vertigineuse. Évoquer ce sujet de façon directe peut être confrontant. Malgré la peur, les participantes et participants des Cafés mortels sont invités à en discuter ainsi. Sans donner de conseils, mais en parlant «avec ses tripes de quelque chose qui nous concernent tous». Du partage, envers et contre tout, mais attention, ce n’est pas une thérapie! Même si ça s’avère thérapeutique, Albane l’admet très volontiers. L’objectif est en fait le suivant: «pouvoir réussir à vous exprimer, parce que ça libère, et qu’en libérant quelque chose qui est en vous de manière étouffante, vous laissez entrer un peu de lumière en vous». Plusieurs personnes ont confié la joie et l’apaisement que leur participation à un Café mortel leur avait apporté. Elles repartaient plus légères, délestées d’un bout de leur fardeau.
Lumière et légèreté, exactement ce qui plaît à la bibliothécaire Sophie Michel, hôtesse du 19 novembre. L’idée de pouvoir «remettre la mort au cœur de la société, pour échanger sans jugement», car elle a été «marginalisée, mise dans un coin sombre». Tout à fait consciente que la bibliothèque n’est pas un café, elle leur trouve des similitudes indéniables. Il est vrai que tous deux sont des espaces sociaux qui appellent à la convivialité, où des gens viennent régulièrement: «tout le monde est bienvenu, il n’y a pas de discrimination». Quoi qu’il en soit, c’est une première pour les Cafés mortels. Sophie s’en réjouit, pensant déjà à la suite: «si ça a un écho auprès des usagers et si l’association accepte, l’idée sera d’inscrire ça dans le temps, ponctuellement».
Briser le tabou à mort
Une perspective qui pourrait plaire aux 11 membres actuels de l’association EnVie de Dire la Mort. Albane, en tout cas, a cette activité bénévole à cœur. Humainement, ça lui apporte énormément, même si repenser à cette thématique à titre personnel n’est pas facile. Elle se doit d’être vigilante au ressenti des autres et encourageante face à quelqu’un qui ne parle pas. Elle compte bien continuer de briser le tabou de la mort par l’animation de Cafés mortels. Un acte nécessaire qui semble avoir de l’avenir, notamment avec des personnes soucieuses d’ouvrir la parole comme Sophie.
Anaïs Sancha
Café mortel
«Parlons de la mort, de la vie, de l’espérance»
Par Albane Bérard d'EnVie de Dire la Mort
Bibliothèque La Sallaz
Service des bibliothèques et archives
Place de la Sallaz 4
1010 Lausanne