Télétravail
Définition du télétravail
En 2016, le Conseil fédéral a défini, dans son Rapport sur les conséquences juridiques du télétravail, le télétravail comme étant un «travail à distance réalisé à l’aide de moyens de télécommunications, qui peut également être accompli dans les locaux de l’organisation, effectué en principe de manière régulière» (p. 12).
Il s’agit d’une définition large qui n’implique pas l’existence d’un rapport de travail. Le télétravail est avant tout un cadre dans lequel est réalisé une prestation donnée. Il est par exemple possible pour un indépendant de «télétravailler».
Par conséquent, le télétravail en tant que tel n’est soumis à aucune règlementation particulière et sera soumis aux règles régissant la relation contractuelle dans le cadre de laquelle celui-ci sera réalisé. A noter que la relation contractuelle pourra elle-même être influencée par l’exercice du télétravail.
En Suisse, la pandémie liées au COVID-19 a eu pour conséquence d’accélérer la démocratisation du télétravail dans tous les secteurs où cela était techniquement possible avec pour effet de poser de nombreuses questions liées à l’organisation du travail en général.
Le télétravail dans le cadre du contrat de travail doit être distingué du travail à domicile qui lui est régit par des dispositions spécifiques dans le Code des obligations et dans une loi fédérale.
Le télétravail dans le cadre du contrat de travail
Il n’existe aucune loi fédérale, cantonale ou d’ordre privé qui définisse la notion de télétravail dans le cadre d’un contrat de travail. Selon certains auteurs, il devrait s’agir d’une relation de travail spéciale qui devrait être réglementée étant donné que ce type de relation implique l’existence d’éléments objectivement essentiels. «(…) il doit s’agir d’une activité exercée, en principe au travers d’un contrat de travail ordinaire, avec régularité, qui doit pouvoir techniquement être réalisée dans les locaux de service et qui est concrètement entreprise tout ou partie en dehors desdits locaux, par le biais des technologies de l’information et de la (télé)communication.» (Valérie Défago / Jean-Philippe Dunad / Pascal Mahon (éds), Le télétravail, «Collection CERT», Genève/Zurich 2022, Schulthess Editions Romandes, p. 12ss).
4 éléments essentiels se dégagent de cette définition:
- une activité exercée, tout ou partie, en dehors des locaux de service
- une activité exercée en télétravail de manière régulière
- une activité exercée au moyen des technologies de l’information et de la communication
- une activité qui aurait pu être effectuée dans l’entreprise
En principe, il n’existe pas de droit au télétravail en Suisse. L’exécution du travail en partie ou totalement hors des locaux de l’entreprise nécessite l’accord des deux parties. Il est conseillé de prévoir un accord écrit.
Le travailleur a les mêmes droits et obligations que les employés qui exécutent leur prestation dans les locaux de l’entreprise. L’employeur quant à lui pourra exercer son droit de donner des directives en particulier sur le lieu où est réalisé le télétravail et ainsi que sur les outils à utiliser.
Quid de l’application de la Loi sur le travail (LTr)?
Dans la mesure où l’activité et/ou la personne ne sont pas exclus du champ d’application de la Loi sur le travail (art. 2 et 3 LTr), la loi s’applique indépendamment du lieu où est déployée l’activité en Suisse.
L’employeur devra continuer à organiser le travail de façon appropriée, à distance. Il devra notamment veiller à la répartition de la charge de travail, au fait que les travailleurs disposent des outils et des informations nécessaires à l’exécution de leurs tâches ainsi que s’assurer du respect des règles relatives à la durée du travail et du repos. Ainsi, l’employeur devra également veiller à ce que la journée de travail soit comprise dans un espace de quatorze heures, pauses et heures supplémentaires incluses. Il devra s’assurer que la durée du repos quotidien de onze heures soit respectée et que l’interdiction de travailler la nuit ou le dimanche soit appliquée. Enfin, un étalement de la semaine de travail sur six ou sept jours n’est pas possible puisqu’il serait contraire à la LTr.
L’aménagement du poste de travail à la maison devra être conforme aux exigences applicables en matière d’ergonomie afin d’éviter, en particulier, les troubles musculo-squelettiques.
Enfin, l’employeur devra être attentif aux risques psychosociaux qui peuvent survenir dans le cadre du télétravail comme le manque et/ou les difficultés de communication, l’isolement, la difficulté de concilier vie professionnelle et vie privée. La situation personnelle du travailleur aura une grande influence sur ces éléments.
Pour plus d’information, vous pouvez consulter la brochure du SECO Télétravail – Protection de la santé – y compris lorsque l’on travaille à la maison, réf. 710.246.f.
Matériel, frais et instruments de travail (art. 327 et 327a CO)
Les obligations de l’employeur concernant les frais liés à l’exécution du travail dépendent du caractère obligatoire ou facultatif de l’exécution du télétravail.
Lorsque le télétravail est imposé par l’employeur, que le travailleur ne dispose pas d’une place de travail aménagée dans l’entreprise, le télétravail devient nécessaire à l’exécution du travail et les articles 327 et 327a CO s’appliquent. Pour ce qui concerne les frais imposés par l’exécution du travail, il peut s’agir de l’augmentation du débit internet, de frais de télécommunication, de papier ou d’encre. Le travailleur devra produire un décompte pour se faire rembourser ainsi que la nécessité de ces dépenses (art. 327c al. 1 CO).
Le Tribunal fédéral (ATF 4A_533/2018) a estimé qu’il était justifié d’allouer une indemnité de Fr. 150.- par mois à un travailleur qui utilisait, à temps partiel, une pièce de son logement privé comme bureau et local d’archives dès lors qu’il ne disposait pas d’une place de travail de son employeur. Selon certains auteurs, la participation de l’employeur devrait correspondre au prix moyen d’une location d’un bureau standard permettant au travailleur d’exécuter ses tâches dans de bonnes conditions. Le fait que le travailleur soit locataire ou propriétaire de son logement ou que ses frais de logements soient peu élevés ne devraient pas être pris en compte. Les auteurs conseillent que l’indemnité pour l’occupation du logement devrait être prévue par écrit, sous la forme forfaitaire. Dans la région lémanique, ils estiment à Fr. 300.- mensuels la moyenne des frais professionnels d’un employé engagé à 100% et travaillant exclusivement à domicile, lorsque cela n’entrave pas l’usage d’une pièce en particulier (Valérie Défago / Jean-Philippe Dunad / Pascal Mahon (éds), Le télétravail, «Collection CERT», Genève/Zurich 2022, Schulthess Editions Romandes, p. 87ss).
Traitement des données et surveillance
Le télétravail en général a augmenté la quantité de données produites, étant donné que la grande majorité des activités professionnelles effectuées à distance laissent des traces numériques. Si l’employeur a pris la mesure de la problématique de la protection des données, il est aussi susceptible de collecter un plus grand nombre d’information.
Les règles générales applicables au traitement des données dans le cadre du contrat de travail s’appliquent bien sûr en cas de télétravail. Pour plus d’information à ce sujet, nous vous renvoyons à notre rubrique qui traite du traitement des données personnelles par l’employeur.
Toutefois, certains risques inhérents à la pratique du télétravail ont été identifiés (Valérie Défago / Jean-Philippe Dunad / Pascal Mahon (éds), Le télétravail, «Collection CERT», Genève/Zurich 2022, Schulthess Editions Romandes, p. 143 ss).
Des problèmes liés à la confidentialité et la sécurité des données
Le fait de pouvoir accéder à distance aux informations et au système de l’entreprise a plusieurs conséquences. Tout d’abord, en pratique, des documents physiques sont encore amenés au domicile du travailleur. Cela engendre un risque accru de perte de ces information ou alors qu’elles soient consultées par des personnes qui n’ont rien à voir avec l’entreprise.
Si le système informatique de l’entreprise n‘a pas été élaboré pour pratiquer le télétravail, comme cela a été le cas pour de nombreuses entreprises pendant la crise sanitaire, il y a un risque que les employés utilisent des moyens non professionnels pour effectuer leurs tâches (whatsApp, email privé, etc) avec, pour résultat, une perte de la maitrise des données professionnelles mais aussi un système fragilisé en cas de cyberattaque. La migration des données vers des solutions «clouds» pour faciliter l’accès des données à distance, messagerie instantanée professionnelle, digitalisation des informations etc. est louable mais l’employeur devra toutefois s’assurer que ce type d’outil est conforme à la règlementation sur la protection des données applicables.
La difficulté de distinguer les données professionnelles et privées
Dans le cadre du télétravail, l’employeur risque d’être amené à traiter plus d’informations relatives à la sphère privée du travailleur (ex. images vidéo du domicile du travailleur lors d’une visioconférence). Par ailleurs, si le travailleur utilise son ordinateur professionnel à des fins privées également, une intervention de support sur l’ordinateur ne pourrait se faire que dans le respect des règles applicables à un traitement des données licites, notamment une information claire et transparente de l’employeur et préalable à toute intervention. Cette complexification est susceptible d’inciter les employeurs à interdire toute utilisation privée des outils fournis par l’entreprise, en particulier l’ordinateur et le téléphone portable.
La tentation d’une surveillance accrue des travailleurs
Le télétravail repose sur une relation de confiance. Toutefois, l’employeur pourrait avoir envie de surveiller d’avantage ses travailleurs pour justifier la protection de ses intérêts, par exemple afin de s’assurer que les directives sur le temps de travail soient respectées. L’employeur pourrait être tenté d’adopter certaines mesures comme contacter ses employés à certaines heures précises de la journée afin de vérifier leur disponibilité, contrôler la provenance de la connexion internet pour confirmer que les travailleurs sont bien à leur domicile. L’employeur pourrait aussi être tenté par l’installation de systèmes surveillant en permanence l’activité des travailleurs (clics de souris, frappes de clavier, etc). De l’avis des auteurs de l’ouvrage cité en référence, il serait douteux que de tels systèmes de surveillance soient licites.
Aspects transfrontaliers
Le télétravail à domicile effectué par des travailleurs frontaliers peut avoir des conséquences en matière fiscale et sur l’affiliation au système de sécurité sociale.
La Convention instituant l’Association Européenne de Libre-Echange (AELE ; art. 8) et le Règlement CE 883/2004 (art. 13) prévoient qu’en principe, si l’activité est déployée substantiellement (c’est-à-dire plus de 25%) dans un Etat de résidence, quel que soit le siège de l’entreprise, le travailleur est assujetti au système d’assurances sociales de l’Etat de résidence. Depuis la crise sanitaire liée au COVID-19, les règles d’assujettissement ont été assouplies temporairement. Des discussions sont en cours pour que ces règles de coordinations soient modifiées afin de permettre une part plus importante de l’activité en télétravail dans le pays de résidence sans que cela n’ait d’influence sur l’affiliation au système d’assurances sociales.
En matière fiscale les règles d’assujettissement ne sont pas les mêmes. La situation dépendra du pays où réside le frontalier et le canton dans lequel est établi l’entreprise. Si le travailleur réalise tout ou partie de son travail à domicile, l’employeur devra se renseigner sur les conséquences fiscales d’une telle activité.
Inspection du travail Lausanne (ITL)
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