Marjorie de Goumoëns
Infirmière de formation, Marjorie de Goumoëns s’est heurtée à un monde très masculin, celui du cyclisme. Elle s’investit en parallèle de sa pratique au sein des «Bornées», une communauté de cyclisme qui prône la féminisation du sport par la mixité.
Qu'est-ce que le sport vous apporte?
J’ai pratiqué du sport depuis toute petite (Kung-fu, voile, natation synchronisée) bien que je ne me sois jamais considérée comme sportive jusqu’à très récemment. Je fais désormais du cyclisme d’ultra distance et en parallèle un peu de yoga, de crossfit, de course à pied et de natation.
La pratique d’un sport est centrale dans ma vie. Elle m’a permis d’apprendre à mieux me connaître en travaillant sur mes forces et mes limites. Cela m’aide quotidiennement, que ce soit dans ma vie privée ou professionnelle. Le sport me permet certains jours de me défouler et d’autres de me recentrer et me redonner de l’énergie après une dure journée. Il fut notamment une réelle échappatoire lorsque j’étais infirmière en soins palliatifs.
Le sport m’a permis d’apprendre à écouter mon corps et à le sauvegarder. J’ai progressivement réalisé l’importance de faire avec lui, et non contre lui.
Pourquoi avoir choisi le cyclisme?
J’ai choisi le cyclisme un peu par hasard, à l’âge de 26 ans. En entrant dans la vie active, je recherchais un sport que je puisse pratiquer à côté du travail pour me changer les idées et j’avais l’impression d’être trop vieille pour commencer un nouveau sport, d’autant plus en tant que femme. Et puis j’ai contacté une connaissance triathlète. J’ai été surprise par son ouverture. A aucun moment, il ne m’a fixé de limites que ce soit au niveau de l’âge ou du genre.
Lorsque j’ai commencé le triathlon, j’ai débuté le vélo en suivant les filles du club qui à l’époque organisaient des rides les week-ends. Elles ne m’ont jamais fixées de limites ni même demandé quel était mon niveau. Elles m’ont juste conviée à me joindre au groupe. Par la suite, j’ai réalisé que l’impulsion qu’elles m’ont donnée m’a permis de prendre rapidement confiance en moi et de me déployer dans ce sport. Plus tard, j’ai eu envie de pouvoir partager ce qu’elles m’ont offert en prenant le relais.
Vous avez donc commencé à organiser des sorties mixtes et des rides réservées aux femmes…
Oui effectivement, je m’investis maintenant depuis plus de deux ans dans la féminisation du sport en organisant des sorties à vélo.
D’abord pour les Bornées, une communauté de cyclisme née en France qui prône la féminisation du sport par la mixité. Et à présent pour Fast&Female, un projet de promotion de Swiss Cycling pour une plus grande intégration des femmes dans le cyclisme.
Aujourd’hui, j’organise aussi bien des rides mixtes que des rides réservés aux femmes pour multiplier les chances de voir toujours plus de femme sur un vélo!
Quelles sont les principales discriminations de genre que vous avez vécues dans votre pratique sportive?
Que ce soit à vélo ou dans le triathlon, j’ai toujours eu l’impression qu’en tant que femme, je devais prouver deux fois plus que les hommes ce dont je suis capable.
A la piscine, il est fréquent que des hommes coupent la longueur pour me passer devant ou encore jouent des coudes pour partir avant moi dans la ligne alors que je suis plus rapide qu’eux. Il est déjà arrivé qu’un coach chronomètre toute l’équipe sauf moi, seule femme du groupe.
A vélo, il est également fréquent de subir ce genre de discriminations. Aux feux rouges, aucun homme ne reste derrière, ils me dépassent systématiquement pour partir les premiers quand le feu devient vert. Si je décide de les dépasser ensuite, ils vont lancer une compétition. Sur les cols, qui sont mon terrain de jeu, puisque j’aime particulièrement le dénivelé, ils ne me saluent souvent pas en retour quand je passe à côté. J’entends aussi régulièrement des réflexions de type: «je pensais que j’étais en forme aujourd’hui mais je crois que je suis en fait fatigué» au moment où je les dépasse en retour. Comme s’il fallait nécessairement une explication qui, de plus, est fausse.
Autre domaine où le sexisme trace sa voie: les magasins de cyclisme. Que ce soit en termes de vêtement ou d’équipement, le choix est très limité et limitant. Les modèles masculins sont bien plus développés et nombreux que ceux pour femmes. Les vendeurs partent également toujours du principe que l’on fait peu de kilomètres, que l’on est des cyclistes du dimanche et nous proposent automatiquement un produit d’entrée de gamme en essayant de nous convaincre que cela nous conviendra. Si je fais une remarque sur le fait qu’une paire de chaussure ne m’est pas confortable, on me répondra que «c’est normal, ce ne sont pas des ballerines, Madame.»
Je suis triste de réaliser qu’il faut avoir du caractère pour affronter ce genre de comportement et persister dans cette pratique. J’ai heureusement trouvé depuis quelque temps un magasin où l’on ne m’a jamais considéré autrement que les hommes et où l’on répond sérieusement à mes besoins.
Que diriez-vous à une fille qui hésite à débuter un sport «dit» masculin, notamment le cyclisme?
J’aimerais lui dire que le plus important est son propre bonheur. Nous n’avons qu’une vie et notre devoir est de la rendre la plus belle que nous en avons la possibilité!
Et que même s’il n’est pas toujours facile de s’imposer, le résultat est si beau qu’il en vaut la peine!
Je me réjouis de voir apparaître de plus en plus d’initiatives pour la féminisation du sport. Grâce à cela, les femmes auront progressivement accès aux mêmes privilèges que les hommes, et ce sans devoir jouer des coudes.
Quel est votre souhait pour l'avenir, en matière d’égalité dans le sport?
Je souhaite que les femmes puissent entreprendre un sport sans jamais se demander si elles seront à leur place. Il a fallu que je finisse un ironman pour oser dire que je suis une triathlète. Je souhaite que chacune puisse se sentir à sa place dès le moment où c’est là qu’elle souhaite se trouver.
Pourquoi vous êtes-vous impliquée dans la campagne «Laissons les stéréotypes au vestiaire» de la Ville de Lausanne?
Je suis très fière de m’investir depuis plus d’une année dans la féminisation du cyclisme et je me réjouis de pouvoir m’impliquer dans ma ville qui est également la Capitale Olympique. La période que nous vivons nous promet de grandes avancées en matière d’égalité et je suis très fière d’en prendre part activement!
Service des sports
Direction des sports et de la cohésion sociale
Chemin des Grandes-Roches 10
Case postale 243
1001 Lausanne 18