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Espaces sportifs urbains à l'épreuve du genre

La Ville de Lausanne a souhaité analyser l’accessibilité et l’utilisation de ses espaces sportifs urbains sous l’angle du genre. Une étude réalisée en 2022 par l’Université de Lausanne dresse un état des lieux et fournit des pistes d’action pour rendre ces espaces plus inclusifs.

L’accessibilité et la présence des femmes dans l’espace public sont des enjeux centraux dans la mise en place d’une politique publique sensible et proactive de l’égalité entre femmes et hommes. C'est en particulier le cas envers les adolescentes et les jeunes femmes qui pratiquent une activité physique. En effet, il existe un décrochage à l'adolescence et les jeunes femmes expliquent rencontrer davantage d’obstacles que les hommes à occuper l’espace sportif urbain.

Une étude pour documenter les inégalités dans les espaces sportifs urbains

La Ville de Lausanne s’est associée à l’Université de Lausanne, dans le cadre du programme Interact, pour mener une étude et documenter l'utilisation genrée des espaces sportifs urbains disponibles en libre accès à Lausanne. Outre un état des lieux, elle propose des pistes d’action pour combattre les inégalités et développer des espaces de pratique plus inclusifs.

Le rapport «Inclusion et espaces sportifs urbains lausannois en libre accès» se focalise sur les adolescentes et les jeunes femmes. Il entend apporter de nouvelles clés de compréhension pour améliorer leurs expériences et/ou leur intégration dans les espaces sportifs urbains en libre accès. Enfin, il pose aussi des bases pour améliorer l’inclusion de manière plus générale, notamment des personnes LGBTIQ+ et d’individus qui peuvent vivre des situations discriminatoires dans les lieux publics sportifs.

Méthodologie

La recherche est basée sur une centaine d’heures d’observation sur les terrains sportifs urbains en libre accès à Lausanne. 

Cette récolte de données a été complétée par:

  • 14 entretiens situés avec de jeunes pratiquantes et pratiquants;
  • 6 entretiens semi-directifs avec des pratiquantes et des actrices et acteurs de l’administration lausannoise;
  • un focus group avec cinq adolescentes et jeunes femmes lausannoises, dont trois sont non-usagères des espaces sportifs urbains.

Plus d’informations sur la méthodologie aux pages 17 à 20 du rapport.

Résultats clés de l’enquête

Les résultats clés de l’enquête s’articulent autour de cinq axes, décrits ci-dessous.

La manière dont sont conçues les infrastructures, leur disposition et leur type, les rendent moins accessibles à la pratique des femmes. En particulier parce que:

  • Les infrastructures sportives urbaines sont pensées pour des personnes d’une taille de 1,80 mètre, excluant ainsi un grand nombre de personnes plus petites, notamment des femmes. C'est le cas en particulier des modules de street workout et des engins articulés.
     
  • Les infrastructures concernent très souvent des pratiques sportives davantage encouragées chez les hommes que chez les femmes (telles que le football, le basketball, des exercices de musculation du haut du corps). Cela amène ces derniers à davantage les utiliser, voire à s’en accaparer l’utilisation.
     
  • Le manque de commodités telles que des toilettes publiques et un éclairage suffisant.

Les infrastructures et les alentours, mais aussi les interactions, produisent donc des inégalités d’accès du point de vue du genre.

L’enquête de terrain et le focus group mené avec des adolescentes et jeunes femmes lausannoises révèle qu’il est difficile pour ces dernières de se sentir légitimes à pratiquer un sport dans l’espace public.

De manière générale, l'éducation des filles les amène à moins occuper l’espace urbain que les hommes. Mais d'autres facteurs contextuels jouent dans leur quasi-absence des lieux sportifs en libre accès, en particulier:

  • le sentiment d’insécurité;
  • le poids des regards - qu’elles ont surtout vu changer durant l’adolescence -;
  • les comportements des hommes;
  • l’injonction à réussir;
  • les commentaires rabaissant.

De manière plus générale, plusieurs témoignages de harcèlement et d’agression sexuelle ont émergé lors du focus group, ce qui confirme les résultats de précédentes études. La sécurité est un enjeu central de la présence des femmes dans l’espace public. Néanmoins, il existe des facteurs sécurisants comme la présence régulière de familles, perçues comme des personnes ressources en cas de problème.

La recherche a fait état de la persistance de comportements discriminatoires dans les espaces sportifs urbains lausannois: des propos homophobes, misogynes et racistes ont été observés ou mis en avant dans les différents témoignages.

Les comportements problématiques se situent donc dans des dynamiques plus larges que les inégalités entre femmes et hommes. Les politiques publiques doivent ainsi les prendre en compte.

L'étude met en évidence la difficulté d’intégrer ou de constituer des groupes de pairs, notamment chez les femmes adolescentes, pour pratiquer.

Il apparaît que faire du sport avec d’autres adolescentes est une motivation pour les jeunes femmes interrogées. Or le peu de jeunes femmes présentes sur ces lieux n’encourage pas cette dynamique. Elle décourage même certaines pratiquantes à poursuivre leur pratique et d’autres à simplement s’engager dans celle-ci.

Les jeunes femmes rencontrées et interrogées évoquent plusieurs facteurs qui les inciteraient à être présentes sur les lieux sportifs urbains, à pratiquer et à se sentir légitimes:

  • vivre des expériences positives;
  • avoir des modèles qui peuvent agir comme sources de motivation et de légitimation;
  • avoir accès à des initiations aux différentes pratiques sportives qui se déroulent dans l’espace urbain.

À noter que, peu de personnes rencontrées lors de l'enquête ont connaissance de ce que la Ville propose comme événements.

Pistes d'action

L'étude propose plusieurs pistes d’action qui visent, entre autres, à:

  • améliorer l’inclusivité des modules et installations déjà présents et ceux qui seront aménagés dans le futur;
  • à sensibiliser la population à adopter des comportements plus inclusifs;
  • à assurer un accompagnement des jeunes femmes désireuses de pratiquer - notamment en non-mixité choisie -;
  • à susciter la participation par l’organisation d’événements et d’initiations.

Ces mesures devraient faire l'objet d'un suivi à moyen terme pour vérifier leurs effets en termes d’inclusivité.

Un tableau récapitulatif des pistes d’action est disponible aux pages 5 et 6 du rapport, et celles-ci sont détaillées aux pages 22 et suivantes.

Cette démarche pour plus de mixité dans les espaces sportifs urbains lausannois en libre accès s’inscrit dans la lignée des engagements pris en 2021 par la Ville de Lausanne pour développer la pratique sportive des femmes et veiller à l’égalité des genres dans le sport lausannois.