La bibliothèque patrimoniale des Archives

La naissance d’une bibliothèque

Si le classement des archives de la Ville remonte au début du 15^e siècle, c’est à la fin du 19^e siècle que l’archiviste Aloïs Hämmerli initie les prémisses d'une bibliothèque patrimoniale organisée. En 1962, celle-ci connaît un premier développement grâce à l’archiviste Louis Grivel et son élaboration d’un recensement sur fiches. Une gestion bibliothéconomique est mise en œuvre par l’archiviste Gilbert Coutaz au début des années 1980. À cette époque, une collaboration avec la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne permet le catalogage de grandes séries sur informatique. «La bibliothèque des Archives a été la première bibliothèque d’un dépôt d’archives à entrer dans RERO, le réseau des bibliothèques de Suisse occidentale. Elle fait désormais partie de Renouvaud, le réseau des bibliothèques vaudoises» souligne Arnaud van Schilt, bibliothécaire-documentaliste.

Un lieu de travail

Passé la porte des Archives de la Ville de Lausanne au Maupas 47, vous entrez directement dans une salle de lecture accueillante et lumineuse. Les étagères murales en bois hébergent des livres du sol au plafond, des échelles sont à disposition pour accéder aux derniers tablards. Les fenêtres, orientées plein sud, donnent sur le petit square des Echelettes et ses cerisiers. Le mobilier est contemporain et confortable. Cet environnement agréable plaît généralement beaucoup aux usagères et usagers. «Les Archives et la bibliothèque sont ouvertes au public sur rendez-vous du lundi au jeudi, de 13h à 17h. Ce rendez-vous comprend un service personnalisé et un accès aux documents recherchés», indique Arnaud. Le service public est d’ailleurs une facette de son métier qu’il apprécie tout particulièrement.

Conserver le plus longtemps possible

La salle de lecture, même si elle est remplie de publications en libre accès, ne recèle de loin pas l’ensemble des ouvrages de la bibliothèque patrimoniale des Archives de la Ville de Lausanne. Cette dernière contient en effet plus de 25’000 documents. Pour avoir une température et une hygrométrie les plus constantes possibles, les anciennes publications sont conservées au sous-sol sur des rayonnages mobiles, dans des boîtes non acides faites sur mesure. La mission d’une bibliothèque patrimoniale est à l’opposé d’une bibliothèque de lecture publique: «Nous n’avons pas vocation à prêter les documents au plus grand nombre, ni à faire de désherbage pour suivre une actualité et les tendances littéraires. Notre but est d’acquérir les livres selon notre politique documentaire et d’assurer leur conservation à long terme. Un document est acquis pour les informations qu’il contient, je ne suis pas juge de sa qualité et de son style» précise Arnaud. Le prêt à domicile n’étant pas compatible avec leur conservation, les imprimés sont consultables sur place. Pour les personnes habitant hors de Lausanne, il existe un prêt inter bibliothèques: «mais dans ce cas, la publication est consultable uniquement en salle de lecture et non à domicile», informe le bibliothécaire.

Les collections phare

La particularité de la bibliothèque est en lien avec les missions des Archives de la Ville. Celles-ci concernent la gestion du patrimoine documentaire issu de l’administration communale, comme de personnes physiques ou morales privées de Lausanne ou de la région. Dans ce cadre, la bibliothèque des Archives valorise et conserve des publications et imprimés documentant Lausanne et la vie lausannoise. Elle a pour but d’accompagner les personnes dans leurs recherches, que celles-ci soient académiques, professionnelles ou personnelles.

La collection principale est de nature historique, scientifique et encyclopédique. Elle englobe des thématiques diverses et variées sur Lausanne et sa région, sans limite temporelle. Les thématiques concernant l’histoire, l’urbanisme et l’architecture sont particulièrement développées. Certaines études sur Lausanne relèguent parfois au second plan les sources dites primaires que sont les archives et peuvent suffire à renseigner l’usagère et l’usager!

La «Réserve précieuse» est le petit nom donné à une collection de 474 imprimés parus jusqu’en 1850. Cet ensemble d’ouvrages anciens est d’un grand intérêt historique et matériel, et comprend, entre autres, 3 incunables (soit des ouvrages imprimés avant le 1^er janvier 1501). La différence entre manuscrit et imprimé est ici importante: «Les manuscrits sont des archives et des documents uniques, contrairement aux documents imprimés, produits en plusieurs exemplaires pour diffuser des connaissances et des informations», précise Arnaud van Schilt. Le bibliothécaire affectionne cette collection car elle est un condensé de l’histoire du livre et de la production des savoirs dans la société: «Les premiers ouvrages traitent de théologie et d’histoire, comme notre incunable de 1477 sur les 7 péchés capitaux. Puis les thématiques s’élargissent aux sciences et à d’autres domaines».

3 bibliothèques particulières datant du 18^e jusqu’au début du 20^e siècle sont également conservées. Récupérées lors de versement d’archives, elles sont issues de collections privées constituées par des personnalités ou des institutions historiques de Lausanne. Chacune composée de plusieurs centaines d’ouvrages, elles permettent d’étudier le contexte intellectuel dans lequel évoluaient les personnalités qui les ont élaborées, et ainsi comprendre leur vision du monde. Ces bibliothèques sont celles du magistrat Marcel Benoist (1864-1918) et de l’ingénieur-forestier Marc-Rodolphe de Constant Rebecque (1885-1953), ainsi que la bibliothèque de l’Oratoire des Âmes intérieures, fondé vers 1750 à la rue Cité-Derrière.

La collection la plus récente constituée par la bibliothèque, commencée en 2013 en accord avec les Bibliothèques de la Ville de Lausanne, concerne l’archivage pérenne d’œuvres littéraires lausannoises qui ne sont plus consultées en bibliothèque publique. Cette patrimonialisation de la littérature lausannoise permet d’assurer sa conservation et son accès pour de futures recherches. Elle concerne à la fois les ouvrages de littérature adulte et jeunesse.

Enfin, une particularité essentielle de la bibliothèque patrimoniale est d’avoir développé une collection de brochures produites par les services de l’administration ou par des associations, institutions ou entreprises d’utilité publique diverses, toutes actives à Lausanne. «Il s’agit d’une littérature grise qui sort d’un courant de publication classique comme des agendas, des programmes, des flyers de différents contenus, formes et tailles» décrit Arnaud. Cette collection est consultable sur place après avoir été cataloguée sur Renouvaud pour ce qui relève de la bibliothèque ou indexée par mot-clé pour la documentation.

Documenter Lausanne

Arnaud van Schilt gère également un important pôle de documentation en dépouillant et en indexant les articles de presse concernant Lausanne. Environ 3'000 articles par année sont traités et insérés dans une base de données, consultable sur place. Regroupés par thématiques, ils couvrent des sujets lausannois variés comme les entreprises, les personnes, les associations, les évènements ou les faits divers.

Quant à la collection de périodiques produits par des institutions, associations ou médias lausannois, vaudois, romands ou suisses, elle représente environ 900 titres et couvre des thématiques très diverses. Certaines séries sont disponibles depuis la fin du 17^e siècle pour les plus anciennes.

Capitaliser l’information

L’indexation est une plus-value essentielle du travail du bibliothécaire-documentaliste. Elle permet d’analyser, d’identifier et de renseigner sur le contenu d’un document pour le rendre visible et accessible au public. «Dans des documents numérisés en nombre et en ligne, une recherche dans l’intégralité du texte fonctionne très bien pour des noms propres, mais s’avère peu productive pour des noms communs comme par exemple «maison», vu leur nombre d’occurrences» souligne Arnaud.

Les publications officielles de la Ville de Lausanne, tels que les bulletins du Conseil communal depuis 1886, bénéficient d’une numérisation et d’une mise en ligne progressive sur la base de données Vidy. En plus de cette mise ligne, un travail d’indexation par mot-clé est réalisé pour chaque objet débattu en séance et inscrit au procès-verbal (postulats, motions, communications, préavis, etc.), permettant un accès facilité et rapide aux débats politiques lausannois. Où quand le travail de l’archiviste et du bibliothécaire se rejoignent, et garantissent ainsi la transparence des institutions et le débat démocratique!