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MANGAFIL: une aventure éditoriale en francophonie

Le Centre BD de la Ville de Lausanne est de sortie à l’occasion du festival BDFIL 2025. Son exposition «MANGAFIL: une aventure éditoriale en francophonie» met en lumière l’arrivée et le succès du manga en Europe francophone. Avant-goût en 4 étapes.

En avant-première, les commissaires Sophie Pujol et Estelle Gautschi ont choisi de présenter 4 documents tirés de la septantaine exposés dans «MANGAFIL: une aventure éditoriale en francophonie», à découvrir durant le festival BDFIL 2025 du 5 au 18 mai à La Rasude.

Cette exposition est à vivre comme une épopée: celle de l’arrivée du manga dans nos pratiques culturelles européennes, notamment francophones, des années 1970 à 2000. Aujourd’hui, le manga et ses codes font partie intégrante de la culture populaire francophone: une bande dessinée achetée sur deux est un manga, et un livre acheté sur quatre est un manga! La bande dessinée japonaise s’est imposée sur les rayons des librairies francophones avec des séries comme «Naruto, «Akira», «Nana» ou «One Piece».

Mais comment cette «mangaphilie» s’est-elle développée en Europe francophone? Les débuts de cette aventure éditoriale sont timides à la fin des années 1970, alors que Goldorak et Candy débarquent dans les foyers des jeunes francophones. Dans les années 1980, l’engouement de la jeunesse grâce au petit écran va grandissant, vite appuyé par une production commerciale d’albums et de produits dérivés. Ce qui n’empêche pas les milieux de l’édition de tâtonner sur l’adaptation francophone des mangas jusqu’au début des années 1990, qu’il s’agisse de récits pour adultes ou le jeune public: sens de lecture, graphisme des bulles et des onomatopées, couleurs versus noir/blanc, format du document, etc.

Bonne découverte et rendez-vous à BDFIL!

© «Les Chevaliers du Zodiaque: Mortelle Mélodie (1)», In: Dorothée Magazine, n°436 (1998), p. 18. CBD, droits réservés

«Les Chevaliers du Zodiaque: Mortelle Mélodie (1)», Dorothée magazine, n°436 (1998), p. 18

«Les Chevaliers du Zodiaque» (Saint Seiya en japonais) est l’une des premières formes imprimées du manga en Europe francophone. Il paraît dans le périodique hebdomadaire «Dorothée magazine», qui débute sa parution en septembre 1989 et connaît un succès fulgurant. Ce magazine est déterminant pour le façonnage des enfants de la «Génération Club Dorothé» à la culture manga, à ses thématiques et à son esthétique. Il s’agit en fait d’une adaptation des dessins animés de l’émission dans un style roman-photo, selon une technique de récupération des images du dessin animé qui se pratique également au Japon. On est donc encore assez loin du manga à proprement parler, mais le jeune public se familiarise avec le trait japonais, le rythme du récit dynamique et saccadé, le zoom sur les émotions et les regards…

© «Le Vent du nord est comme le hennissement d’un cheval noir», Hishimori (pseud. de Shôtarô Hishinomori), Édition Kesselring, Yverdon-les-Bains, 1979, pp. 14-15. CBD, droits réservés

«Le Vent du nord est comme le hennissement d’un cheval noir», Hishimori (pseud. de Shôtarô Hishinomori), Édition Kesselring, Yverdon-les-Bains, 1979, p. 14

En 1979, le manga «Le vent du nord est comme le hennissement d’un cheval noir» de Shôtarô Ishinomori (alias: Ishimori) est le tout premier «album-manga» publié en français. Il met en scène le détective Sabu et son ami Ichi, maître d’arts martiaux dans le Japon du 18e siècle. L’enquête porte sur une vengeance familiale avec une dimension fantastique et dramatique. La maison d’édition Kesselring, sise à Yverdon-les-Bains, publie cet ouvrage avec Atoss Takemoto, en visant un public adulte, très peu familiarisé à la culture manga. C’est pourquoi le sens de lecture occidental et un format BD franco-belge broché ont été privilégiés. La version en noir et blanc, typique du manga japonais, est par contre respectée.

© «Akira, vol. 1: L'autoroute», Katsuhiro Ôtomo, Éditions Glénat, 1991, p.138. CBD, droits réservés

«Akira, vol. 1: L'autoroute», Katsuhiro Ôtomo, Éditions Glénat, 1991, p.138

Œuvre cyberpunk post-apocalyptique, violente et teintée de références occidentales, la série «Akira» est reconnue comme l’une des plus influentes de la pop culture. Elle est parvenue en Europe via les États-Unis, où elle a été publiée entre 1988 et 1996. La première édition française (1991) est une traduction de l’édition étasunienne, de format comics, dans le sens de lecture occidental, colorisée, avec des onomatopées traduites et totalement exemptes de la beauté du travail graphique et dynamique du mangaka. Les textes, traduits de la version des États-Unis, relèvent d’un langage familier, voire vulgaire, inexistant dans la version japonaise. Cette proximité de style avec la BD américaine, déjà bien connue du public européen, a cependant favorisé sa réception et a ouvert la voie à la diffusion et à la croissance vertigineuse de la consommation du manga en francophonie.

© «La BD japonaise mange nos enfants tout crus» , Pierre-Louis Chantre, In: L'Hebdo, 15 juin 1995, illustration de Buche. CBD (Collection M. Rime), droits réservés

«La BD japonaise mange nos enfants tout crus», Pierre-Louis Chantre, illustration de Buche, L'Hebdo (15 juin 1995), p. 75

Il faut attendre le début des années 2000 pour que les ventes en francophonie explosent et que le manga y passe du statut de «bizarrerie exotique» à celui de produit culturel de masse. Au-delà de l’engouement sincère pour cette forme d’expression artistique, le calcul des éditeurs français est aussi économique. En effet, à l’inverse des bandes dessinées occidentales à la production lente et artisanale, le manga est une industrie très performante au Japon, où les séries sont majoritairement fabriquées à rythme intensif, ce qui en fait un produit très bon marché. Le réservoir de séries manga à traduire est très important, alors que le format éditorial sous forme périodique et feuilletonesque captive le lectorat et renforce les ventes. Dans les années 1990, la presse francophone est parfois le relais de certains préjugés sur le sujet, accentuant la critique envers les mangas et cet article relaye les craintes des acteurs du marché européen de la BD d’être supplantés par les mangas. Cette guerre médiatique n’aura que peu de conséquences sur le succès de ces œuvres auprès de leur public.

Sophie Pujol et Estelle Gautschi, commissaires

MANGAFIL: une aventure éditoriale en francophonie

Le Centre BD de la Ville de Lausanne met en lumière l’arrivée et le succès du manga en Europe francophone, dans une exposition riche d’albums collectors et de magazines mythiques issus de son exceptionnelle collection.

Aujourd’hui, une bande dessinée achetée sur deux est un manga; un livre acheté sur quatre est un manga. En 2023, près de 40 millions d’exemplaires étaient vendus en France, faisant du pays le deuxième plus gros consommateur de mangas, après le Japon. Depuis une vingtaine d’années, la bande dessinée japonaise s’est imposée sur les rayons des librairies francophones avec des séries comme Naruto, Akira, Nana ou One Piece, pour n’en citer que quelques-unes. 

Si le succès commercial est fulgurant dès les années 2000, les débuts de cette aventure éditoriale sont pourtant timides à la fin des années 1970, alors que Goldorak et Candy débarquent dans les foyers des jeunes francophones. L’engouement de la jeunesse, à travers le petit écran, est immédiat vite appuyé par une production commerciale d’albums et de produits dérivés. Mais les milieux de l’édition, eux, tâtonnent sur l’adaptation francophone des mangas, jusqu’au début des années 1990 : sens de lecture, graphisme des bulles et des onomatopées, couleurs versus noir/blanc, format du document… c’est un modèle d’un tout autre genre à poser sur papier, avec plus ou moins de succès. Et, à l’inverse des bandes dessinées occidentales à la production lente et artisanale, le manga est une industrie très performante au Japon où les séries sont souvent fabriquées à un rythme intensif pour un produit bon marché. 

Albums, magazines, presse et autres médias, nombreux sont les témoins de cette aventure éditoriale hors normes. Des premières traductions aux adaptations modernes, étroitement liées aux habitudes de consommation et à l’évolution du marché du livre, l’exposition du Centre BD de la Ville de Lausanne pose les jalons d’une aventure sans fin.   

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Le Centre BD de la Ville de Lausanne
Service des bibliothèques et archives

Rue du Maupas 47
1004 Lausanne

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