Portrait no 7/10: Ernesto
Lisez ci-dessous le récit complet d'Ernesto, conservateur du musée de l’immigration et artiste.
«L’idée du musée de l’immigration m’est venue alors que j’étais professeur d’arts visuels. Je me souviens d’un élève qui exprimait ses origines avec honte, alors je lui ai dit qu’il avait en lui un patrimoine, un vrai trésor. Ce qui me porte, c’est l’amour pour l’humanité et le respect de celle-ci que j’ai profondément en moi. Le musée a pour mission la sauvegarde de la mémoire des personnes migrantes et l’ouverture éducative du dialogue intercommunautaire.»
Entre larmes et enracinements, le patrimoine de l’immigration
Au fond d’une arrière-cour de l’avenue de Tivoli, dans un ancien dépôt de voirie à la façade jaunie , se trouve le musée de l’immigration, une sorte de caverne d’Ali Baba dédiée aux déracinements, aux patrimoines culturels et aux identités plurielles. Ernesto Ricou a démarré ce projet en 2005 avec des valises confiées par des immigrés, qui forment toujours le coeur de l’exposition. New York, Bratislava, Alger, Brasilia: ces malles sentent le cuir et les longs périples. Ernesto Ricou ouvre celle de Ramiro, un immigré galicien qui a officié de longues années comme concierge à Béthusy. On y découvre de vieilles coupures de journaux, le schéma d’une meule à aiguiser les couteaux, une peinture à l’huile représentant une plage, un récit de vie…
«Ces malles sont remplies de larmes, raconte Ernesto Ricou, qui a grandi à Porto avec une mère italo-brésilienne, un père suisse et 11 frères et soeurs. Les parcours migratoires sont faits de deuils, de ruptures. L’un de mes fils, qui vit actuellement aux États-Unis, le pays de ma femme, m’a dit une fois qu’il ne savait plus qui il était avec toutes ses origines. Je lui ai répondu qu’au-delà des différences, il y avait une culture universelle en laquelle tous les humains se reconnaissent.»
Arrivé à Lausanne à la vingtaine alors que la révolution des OEillets secouait le Portugal au milieu des années 1970, Ernesto Ricou a enseigné les arts visuels durant de nombreuses années dans les écoles lausannoises. Aujourd’hui retraité, il se souvient avoir observé que certains élèves avaient honte de leurs origines. «Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, valoriser ces héritages, ne pas les oublier.» Son petit musée reçoit de nombreuses classes, de l’école enfantine à l’université. «Cette mission pédagogique forme notre âme, qui est de promouvoir la tolérance et la paix entre les communautés. La bonté n’a pas de nationalité, le racisme non plus.»
Le comité qui gère le musée, composé essentiellement d’enseignantes, tourne avec un budget dérisoire. Il est actuellement confronté au défi de trouver de nouveaux locaux en raison d’un projet immobilier qui condamne la baraque de Tivoli. Ernesto Ricou rêve de s’installer dans les pavillons de l’école du Belvédère, les mêmes où ont résidé des ouvriers italiens dans les années 1960. Tout un symbole…
Un nouveau musée
Un deuxième «musée des migrations» a ouvert ses portes en automne 2020 dans les locaux de la Casona Latina, avec une exposition consacrée aux cinquante ans de l’initiative Schwarzenbach et aux droits humains. Lausanne accueille désormais deux lieux dédiés à la migration, alors qu’il n’existe en Suisse aucun grand musée dédié uniquement à cette thématique.
Le livre qui a inspiré l'exposition
Le texte que vous venez de lire est tiré du livre «Lausanne, une ville, un monde – 50 incursions au fil de la diversité», en vente dans les librairies lausannoises.
Retour sur l'exposition «Lausanne, une ville, un monde - Visages de la diversité lausannoise»
Du 22 avril au 17 mai 2021 les portraits de Luamba Alpha, Myriam, Patrick, Sarah, Emine, Gianfranco, Ernesto, Luis, Eliezer Shai et Fehim ont été affichés dans les rues de Lausanne. Ces Lausannoises et Lausannois sont athlète, imam, auxiliaire de santé, fondatrice d’association, médecin, professeure, bibliothécaire, conseiller communal, artiste, président d’un club sportif, travailleuse sociale, conservateur d’un musée, rabbin.
Bureau lausannois pour les immigrés
Service de l’inclusion et des actions sociales de proximité (SISP)
Place de la Riponne 10
Case postale 5032
1001 Lausanne