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Anna Fernández Antolín

Anna Fernández Antolín est chercheuse et passionnée de waterpolo. Joueuse évoluant tant en championnat féminin que masculin, elle est également l’une des deux seules femmes arbitres de waterpolo en Suisse. En 2019, elle s’est grandement impliquée dans la création de la première équipe féminine de waterpolo de Lausanne. Un parcours semé d’embuches mais à l’issue heureuse!

© Ville de Lausanne / Loris Raselli

Qu'est-ce que le sport vous apporte?

Le sport m’a apporté – et m’apporte toujours! – beaucoup de plaisir et m’a permis de rencontrer des personnes qui ont une place très importante dans ma vie.

J’ai d’ailleurs toujours pratiqué du sport. Petite, j’ai fait un peu de tout: karaté, plongeon, voile, tennis, natation et, bien sûr, waterpolo.

Pourquoi avoir choisi le waterpolo?

Cela a été assez naturel. J’avais une dizaine d’années lorsque, à la fin des entraînements de natation du vendredi, nous étions autorisé·e·s à aller jouer avec une balle et nous initier aux bases du waterpolo, ce qui me plaisait beaucoup.

Le fait que mon père était un ancien joueur et arbitre a également dû aider. Le waterpolo a toujours été très présent dans ma famille, mon frère en pratique d’ailleurs aussi.

Est-ce que le fait que votre sport soit connoté masculin a été une difficulté ?

Le plus difficile a été lorsque j’ai débuté ce sport à Barcelone, ville d’où je viens et où j’ai grandi. J’ai commencé à jouer dans une équipe mixte où nous n’étions que deux filles, peu avant l’adolescence et ce jusqu’à mes 15 ans. Je doute que j’aurais continué si j’avais été la seule fille.

Que diriez-vous à une fille qui hésite à débuter un sport «dit» masculin, notamment le waterpolo?

Je lui dirais de ne plus hésiter et de se jeter à l’eau, elle ne le regrettera pas! Il s’agit d’un sport très complet – il faut être forte, endurante, rapide, avoir une bonne vision du jeu – et surtout très amusant!

Pourquoi chaque fille et femme devraient pratiquer une activité physique?

Personnellement, je trouve que le fait d’être en forme (peu importe grâce à quel sport) donne une confiance en soi qu’on n’aurait pas autrement.

Aussi, pour les plus jeunes, le fait de s’entraîner régulièrement apprend à avoir une organisation minutieuse: il faut savoir concilier devoirs scolaires, entraînements et autres activités familiales et sociales.

Et pour les plus âgées, avoir des entraînements à des horaires fixes nous oblige à mettre ce que l’on est en train de faire sur pause pour aller faire son sport, ce qui aide aussi à couper et à penser à autre chose que le travail, par exemple. Pratiquer un sport d’équipe peut également jouer un rôle: une absence à l’entraînement prétérite nécessairement le reste de l’équipe.

En plus de jouer, vous arbitrez…

En effet, j’ai commencé à arbitrer en 2016. J’arbitre la ligue nationale masculine en Suisse ainsi que des ligues régionales et juniors. J’ai arbitré à deux reprises lors de tournois internationaux.

J’adore le waterpolo et l’arbitrage est finalement une bonne manière de rester liée à ce sport une fois que j’aurai arrêté de jouer. Mon père était arbitre international de waterpolo et il a toujours été une inspiration pour moi.

Est-ce difficile d’être l’une des deux seules femmes arbitres de waterpolo en Suisse?

Au début, je sentais parfois que je n’étais pas prise au sérieux. Je n’ai jamais eu de remarques directes, mais j’ai eu à plusieurs reprises l’impression que certaines personnes pensaient que j’étais devenue arbitre nationale plus rapidement du fait que je suis une femme. Je ne suis bien entendu pas d’accord!

Être une femme dans ce monde si masculin nous place nécessairement sous le feu des projecteurs, ce qui n’est pas toujours facile à vivre.

Vous avez aussi été très impliquée dans la création de la première équipe féminine de waterpolo à Lausanne. Un joli succès?

J'ai effectivement été très impliquée avec deux autres coéquipières dans la création de cette première équipe féminine à Lausanne en 2019. La route a été longue, et nous avons principalement rencontré deux obstacles:

D’une part, le fait que les ressources soient limitées, c’est-à-dire que pour créer une nouvelle équipe, il fallait des créneaux d’eau pour les entraînements et les matches, ce que nous n’avions pas. Aussi, une équipe, qui plus est évoluant en ligue nationale, coûte cher: il y a les déplacements (toutes les autres équipes du championnat sont en Suisse-alémanique), l’inscription au championnat, le matériel, etc. Créer une équipe féminine signifie, pour le club, moins d’argent et de place pour les autres équipes. Si nous avons pu le faire, c’est grâce au soutien d’entités publiques, notamment de la Ville de Lausanne.

D’autre part, le nombre de joueuses. Il est difficile d’attirer des joueuses sans équipe féminine, et il fallait donc se lancer avec un petit contingent pour espérer le voir grossir. Je suis particulièrement fière que nous y soyons parvenues. La plus belle réussite est de voir cette jeune équipe jouer ensemble, s’améliorer à chaque match, à chaque saison. Nous parvenons désormais à intégrer des joueuses juniors et cette équipe leur montre qu’elles ont un avenir dans le club!

Quelles sont les principales discriminations de genre que vous avez vécues dans votre pratique sportive?

La liste serait malheureusement trop longue pour tout mettre, mais voici quelques anecdotes représentatives :

En tant que joueuse évoluant dans le championnat masculin, j’ai souvent reçu des remarques déplacées, je me suis par exemple fait traiter de «coquine» au moment de serrer la main à l’adversaire à la fin du match. Les horaires de nos matchs et de nos entraînements étaient quasiment systématiquement moins bons que ceux des équipes masculines. Les hommes étaient toujours mieux payés que les joueuses professionnelles. Et en Suisse, il n’y a qu’un seul arbitre lors des matchs de la ligue nationale dames, alors qu’ils sont deux dans les ligues A et B masculines.

En tant qu’arbitre, les vestiaires des femmes sont souvent fermés ou dans le noir lorsque j’arrive pour arbitrer. Cela contribue à ce sentiment que l’on n’est pas la bienvenue, que l’on n’est pas à sa place, ce qui est désagréable.

Il y a également beaucoup de stéréotypes de genre dans le waterpolo, principalement liés à l’orientation sexuelle des joueuses, qui seraient toutes lesbiennes, et à leur physique, des «garçons manqués».

Quel est votre souhait pour l'avenir, en matière d’égalité dans le sport?

Exactement cela: qu’il y ait une vraie égalité. Mêmes conditions d’entraînement, mêmes conditions pour les matchs, mêmes conditions financières, même respect, même considération.

Pourquoi vous êtes-vous impliquée dans la campagne «Laissons les stéréotypes au vestiaire» de la Ville de Lausanne?

L’égalité entre les hommes et les femmes est un sujet qui me touche particulièrement et depuis toujours, dans le sport, mais aussi dans tous les autres domaines.

Durant mes études (mathématiques en bachelor et master, puis doctorat en génie civil à l’EPFL) et désormais à mon travail (startup dans le domaine des transports), les femmes sont toujours en minorité. J’aimerais que ces disparités disparaissent et que cela soit plus facile pour les filles de la génération suivante.

Donner une meilleure visibilité aux femmes est en cela très important. Je me souviens encore clairement de la première fois que j’ai vu une femme arbitrer. J’avais 13 ans, et c’est à ce moment-là que j’ai compris que je pouvais aussi devenir arbitre de waterpolo un jour, si je le voulais.

La campagne de la Ville de Lausanne fait ainsi énormément de sens et je suis fière d’en faire partie!