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Quartier du Pécos

D’angles et d’arrondis

© Marc-Olivier Paux - Ville de Lausanne

Le long de l’avenue de la Dôle, une longue rangée de bâtiments fait face à une autre rangée de l’autre côté de l’avenue

En bref

Adresse: Dôle 1-18 (avenue de la) et Béthusy 25 (avenue de)
Affectation: Bâtiments commerciaux, administratifs, d’habitation et de café-restaurant
Style: Art décoratif

Architecte: James Ramelet, Lausanne

Réalisation: 1930-1935 
Recensement architectural: note 3 - objet d'intérêt local

Podcast

Séverine Evéquoz, habitante du quartier du Pécos
réalisation: édulcoré – agence de communication

Ce qu’il faut savoir

Seize bâtiments de six à neuf niveaux habités sont distribués en trois groupes formant une opération immobilière d’envergure. Treize bâtiments sont répartis en deux ensembles de part et d’autre de l’avenue de la Dôle. Le troisième groupe, plus en amont, est composé de trois bâtiments qui relient l’avenue de la Dôle au passage du Pécos.

Le long de l’avenue de la Dôle, les bâtiments forment une unité architecturale et urbaine cohérente. Les bâtiments ont leurs toitures alignées et la différence d’altitude est reprise au sol avec des niveaux complémentaires: d’où la variation entre six et neuf niveaux habités. Les bâtiments sont en retrait de l’avenue. Ce n’est qu’aux bouts de chaque groupe qu’ils sont en bordure des voies de circulation. Toutes les entrées ont un parvis et le retrait permet aux immeubles de bénéficier d’un espace extérieur privé et aux logements de recevoir plus de lumière.

Les façades de chaque bâtiment sur l’avenue de la Dôle sont symétriques et crénelées. La cage d’escalier vitrée est au centre et en creux. Des balcons d’angle et arrondis font la liaison avec les parties proéminentes du bâtiment. Cette manière de faire offre des dégagements visuels en diagonale sur l’avenue depuis les balcons et permet une relation extérieure visuelle et vocale avec le voisinage immédiat. Les bouts des alignements sont traités de manières distinctes avec soit de grands balcons retournés et arrondis du côté du passage de Pécos, soit une façade avancée et un angle de bâtiments à ressauts du côté de l’avenue de Béthusy. Ces angles à ressauts sont assez particuliers. Ils forment des gradations dans les retournements de presque 90° des bâtiments et sont agrémentés de balcons d’angles qui sont également arrondis. Soit dit en passant, les balcons arrondis sont assez courants dans l’architecture lausannoise des années 1930. Les alignements se terminent en front de l’avenue de Béthusy par des corps arrondis d’un ou deux niveaux formant terrasses en toiture et abritant des commerces. La présence d’angles à ressauts et de constructions basses formalise l’entrée du lotissement du Pécos avec une certaine majesté.

Les façades arrière sont beaucoup plus sobres. Celles à l’est, c’est-à-dire celles des bâtiments pairs, sont lisses et ponctuées régulièrement de fenêtres généreuses. Sur cet alignement de façades arrière, la différence de teintes des bâtiments est bien visible. Elle est due au fait que les bâtiments appartiennent à des propriétaires différents qui ont soigné leurs objets respectifs différemment au cours du temps.

Les façades arrière à l’ouest, soit celles des bâtiments impairs, sont également symétriques comme les façades sur l’avenue. Cela dit, ce sont cette fois des balcons qui occupent les axes des bâtiments. De chaque côté des balcons, des volumes sont en avant des façades. Ils ne montent pas jusqu’à la corniche; ils s’arrêtent un étage en dessous et sont utilisés, à leur sommet, comme petite terrasse.

Les trois bâtiments qui relient l’avenue de la Dôle au passage du Pécos ont une architecture plus simple quoique tout aussi régulière. Les entrées principales sont sur les façades arrière, dans les axes des bâtiments et ces axes sont matérialisés par les hautes verrières verticales des cages d’escaliers. Le bâtiment central est orné d’une entrée sur la façade la plus ensoleillée avec un perron de pierre. Les façades arrière sont lisses et ponctuées régulièrement de fenêtres de différentes tailles. Les autres façades sont pourvues de fenêtres et de balcons arrondis. La géométrie des bâtiments est astucieusement fléchie aux deux bouts de l’ensemble afin de présenter des façades alignées à l’avenue de la Dôle d’un côté et au passage du Pécos de l’autre.

L’opération immobilière avait été menée par l’architecte James Ramelet qui fut également le concepteur des bâtiments. Pour mener à bien l’opération, il avait promis d’acquérir les terrains auprès du propriétaire initial puis créé une quinzaine de sociétés immobilières (Dôle A, Dôle B, Dôle C, ainsi que Pécos A, Pécos B, etc.) dont il avait vendu les parts à différents investisseurs. Cette opération visait à construire vingt immeubles pour quatre cents appartements modernes, voire trente bâtiments pour sept cents logements selon la presse de l’époque. Les premiers sept bâtiments avaient été mis à l’enquête publique en mars 1930 et la construction de l’ensemble des bâtiments conçus par James Ramelet s’est terminée en 1939.

Cette opération mit fin à l’ancien quartier dit du «Pécos»: un ensemble de petites maisons, d’ateliers, de hangars et autres baraquements situés à côté de l’ancien pénitencier. Ce quartier s’était développé dans le dernier quart du XIXe siècle sur un terrain en pente entre les propriétés du Bugnon, de Béthusy et de Montalègre, le long de ce qui était encore la route de Lausanne à Belmont.

Il est à noter que cette importante opération immobilière a été complétée entre les années 1940 et 1950 par une rangée de bâtiments le long de l’avenue de Béthusy et à l’intérieur de l’îlot. Ces immeubles ont été conçus par les architectes Rémi Ramelet, le fils de James, et Félix Damia.

Curiosité

Dans les années 1890, des familles vaudoises, dont certaines lausannoises, émigrèrent aux États-Unis d’Amérique convaincues d’y trouver un nouvel Eldorado dans la vallée de la rivière Pecos au Nouveau-Mexique. Hélas! la région était pauvre et souvent en situation de sécheresse. Les familles y vécurent mésaventures et déconvenues. Certaines revinrent en Suisse. L’émigration, la sécheresse, la misère des colons et le retour au pays avaient été relatés dans la presse lausannoise. Le Pecos devint alors symbole de cette triste aventure. Par ailleurs, à cette époque, les incendies n’étaient pas rares à Lausanne et l’un d’eux s’était déclaré dans le quartier de baraquements de Béthusy. C’est alors qu’un habitant aurait répondu aux pompiers cherchant de l’eau : «Ici c'est comme au Pécos, sécheresse complète ». Le nom de Pécos est depuis resté collé au quartier.