Lucy Dutoit

On doit à cette cheville ouvrière au long cours du mouvement suffragiste vaudois et suisse une initiative formidable: des vacances suffragistes qui, durant toutes les années 1920, rassemblaient chaque année dans des camps les jeunes filles des 2 gymnases féminins lausannois puis celles de Genève et de Neuchâtel. Au menu: conférences, jeux et exercices pratiques de prise de parole comme oratrice, présidente de séance et rédactions de procès-verbaux. Bref, tout ce qu’il s’agit de maîtriser pour intervenir dans la vie publique et accroître ses perspectives professionnelles.

Lucy Dutoit illustre par son parcours personnel les nouvelles aspirations d’indépendance des femmes issues des classes moyennes qui ne voient pas leur destin uniquement dans le mariage et la maternité. Elle marque par ailleurs en tant qu’enseignante et militante toute une génération de jeunes femmes. Née à Lausanne, éduquée dans une école de jeunes filles, elle est engagée après un séjour linguistique à Fribourgen-Brisgau comme maîtresse d’allemand et de gymnastique à l’École Vinet, qui comporte le premier gymnase vaudois destiné aux jeunes filles. Cet établissement privé, dirigé par Sophie Godet, va contribuer à former toute une génération de femmes des milieux favorisés autour d’un système de valeurs communes. On peut presque parler d’une «génération Vinet» qui, à la suite de leurs études, vont s’affirmer dans le paysage associatif féminin vaudois.

Plusieurs collègues ou élèves de Lucy Dutoit se retrouveront à l’Union des femmes de Lausanne puis dans l’Association vaudoise pour le suffrage féminin, dont elle sera membre du bureau dès sa fondation en 1907, puis présidente pendant 16 ans. En 1909, elle est parmi les fondatrices de l’Association suisse pour le suffrage féminin. Elle tente en vain de rapprocher l’Association vaudoise pour le suffrage féminin et le Parti socialiste vaudois: bien que ce dernier mette à son programme le droit de vote des femmes dès 1917, il interdit encore en 1913 à ses membres d’adhérer aux associations suffragistes considérées comme bourgeoises. Conférencière à succès, Lucy Dutoit cofonde le périodique «Le Mouvement féministe».