«Une heure m’a suffi pour avoir le coup de foudre. (…) J’étais là (…), le nez collé à la vitre. Dans un paysage comme celui-ci, il était sans doute possible d’être heureux.» C’est ainsi qu’Anne Cuneo, femme de lettres, raconte son arrivée à Lausanne à l’automne 1947. Elle rejoint sa mère qui vient d’y trouver du travail.
Issue d’une famille italienne, elle naît à Paris en 1934 et passe les premières années de sa vie à Milan jusqu’à la mort de son père adoré, un ingénieur antifasciste assassiné en 1945. Ses premières années à Lausanne sont difficiles: délaissée par sa mère, joueuse invétérée, elle connaît la faim et le froid dans l’orphelinat tenu par des sœurs italiennes à l’avenue de la Rasude.
Elle fréquente l’École catholique du Valentin, puis l’École de Commerce et enfin l’Université de Lausanne, appliquant une volonté de fer à se sortir de sa condition. Lausanne, qu’elle quitte ensuite pour habiter Zurich puis Genève, reste sa ville préférée, celle de son éveil intellectuel, littéraire, amoureux et social.
Écrivaine, elle est révélée par «Gravé au Diamant» en 1967. Après 20 ans d’autofiction, elle entame un deuxième volet de son œuvre, consacré à la fiction historique, et connaît le succès avec «Le trajet d’une rivière», «Le Maître de Garamond» ou «Un monde de mots».
Grande dame de la littérature romande, figure populaire au caractère bien trempé, elle multiplie les métiers, à la fois par goût de l’aventure et par nécessité: journaliste, publicitaire, traductrice, documentariste, metteuse en scène, scénariste, elle n’a de cesse de tisser des ponts entre les arts, les langues et les cultures de Suisse.
Lausanne est sous sa plume un personnage à part entière: elle consacre en 1975 «Le piano du pauvre» à l’accordéoniste Denise Letourneur, star du café du Grütli. En 1980 et 1982, les 2 tomes de «Portrait de l’auteur en femme ordinaire», écrits alors qu’elle se croyait condamnée par un cancer du sein, se déroulent en grande partie à Lausanne.
Quand elle se lance dans le roman policier, elle fait cohabiter ses racines multiples en situant son enquêtrice Maria Machiavelli à Lausanne. Une Italienne dans sa ville de cœur: la boucle est bouclée.
Illustration d'Anne Cuneo par Hélène Becquelin tirée du livre «100 femmes qui ont fait Lausanne»
Pour aller plus loin
La plaque commémorative Anne Cuneo es, située vers le café Barbare, à côté de la Cathédrale. Elle a été posée le 4 avril 2022.
Pour en savoir plus sur le projet: Plus de place(s) aux femmes en Ville de Lausanne