Le 28 septembre 1937 est présenté officiellement à la Municipalité de Lausanne un ensemble de 6 peintures, unique en son genre, commandé par le Fonds des arts plastiques de la Ville, qui orne dès lors le Foyer du Théâtre municipal (aujourd’hui opéra) de Lausanne. Leur créatrice, Alice Bailly, l’une des femmes artistes les plus remarquables dans l’histoire de l’art suisse, est hélas absente: souffrant des poumons, elle est hospitalisée à Leysin et meurt dans son atelier de Longeraie le 1er janvier 1938.
Née à Genève, fille d’une enseignante d’allemand et d’un employé des postes, Alice Bailly brave l’opinion de sa famille, qui la voit enseignante à son tour, et entame des études artistiques à l’École des demoiselles, l’École des beaux-arts étant encore fermée aux femmes.
Plus tard, elle emmène ses pinceaux à Paris, où elle fréquente les milieux d’avant-garde. Proche du fauvisme et du cubisme, elle sait se faire sa place sur la scène artistique. Reconnue, elle montrera au Salon des Indépendants de 1912 son art renouvelé avec un cubisme nuancé. Un an plus tard, elle coorganise la première exposition cubiste en Suisse.
Dix ans après, elle s’installe à Lausanne et obtient un atelier de la Ville dans les anciennes écuries de Mon-Repos. Elle y préparera ses expositions qui se succèdent en Suisse comme à l’étranger, notamment à la Biennale de Venise en 1926.
Toute sa vie on lui rappellera qu’elle est une femme et elle se heurtera aux discriminations liées à son genre. La gent féminine n’ayant pas le droit d’adhérer aux principales institutions artistiques, dont l’importante Société suisse des peintres, sculpteurs et architectes, elle préférera se mesurer aux hommes dans les expositions, plutôt que d’adhérer à la Société suisse des femmes peintres et sculpteurs, convaincue que «l’art n’est pas une affaire de jupon ou de pantalon».
Huit ans après son décès est créée la Fondation Alice Bailly, qui octroie des bourses à de jeunes artistes suisses. Des expositions posthumes en 1938, 1968 et 1985, ainsi que diverses publications internationales consacrées aux femmes artistes rendent, dès lors, enfin justice à son talent.
Autoportrait d'Alice Bailly, «Pensées intimes II (d'après moi-même)», 1919, Crayon et aquarelle sur papier, 50,5x37,5 cm ©Musée Cantonal DesBeaux Arts De Lausanne
Pour aller plus loin
Alice Bailly, Foyer de la danse (ou Entracte), 1936, peinture à l’huile sur toile marouflée sur mur, [335 x 350 cm], décor du foyer de l’Opéra, Collection d’art de la Ville de Lausanne
Photographie : Atelier de numérisation de la Ville de Lausanne / Morgane Détraz