«Exposition Lausanne 1922», 15 tableaux et 26 documents pour les 100 ans de l'AAS
Que s’est-il passé à Lausanne en 1922? À l'occasion des 100 ans de l'Association suisse des archivistes, Charline Dekens vous propose une plongée dans une année pour le moins contrastée, avec une sélection de divers documents issus des Archives de la Ville.
1922, l’année même de la naissance de l’Association des archivistes suisses (AAS), aucun travail n’est fait aux Archives de la Ville de Lausanne, le poste d’archiviste ayant été supprimé! Le personnel du Greffe municipal procède cependant à de nombreuses recherches pour d’autres services, précise-t-on dans le rapport de gestion de l’administration communale. Qu’à cela ne tienne, les Archives de la Ville ont souhaité célébrer les 100 ans de l’AAS en revenant sur cette année à travers une sélection de documents.
Contemporains des faits qu’ils renseignent, les pièces ont été choisies pour leur contenu, leur forme, leur typologie, leur support et leur provenance. A elles seules, elles permettent d’entrevoir la richesse et la diversité des fonds et des collections conservés par l’institution. Cette présentation n’a donc rien d’exhaustif, que ce soit en termes de copies d’archives exposées ou de faits relatés. Elle met en avant ces documents pour ce qu’ils disent et montrent, pour les réponses qu’ils peuvent apporter, et surtout les questions qu’ils peuvent susciter.
Lausanne ne semble en effet pas faire exception à une année 1922, et plus largement une décennie, très contrastée en Europe. Crise sanitaire, économique, du travail, politique, mais également essor des transports, des loisirs, des sports, et même la conclusion d’un traité de paix, l’effervescence de cette époque est pour ainsi dire palpable dans le rapport de gestion, c’est dire.
Dans cet article, nous vous présentons trois étapes en cinq documents documents naviguant entre politique internationale, éducation et culture! Pour découvrir l’ensemble de la présentation, téléchargez notre publication «Exposition Lausanne 1922»!
Les jeunes filles de L’Ecole Vinet
Leur scolarité obligatoire terminée, une minorité de jeunes filles se retrouve sur les bancs de l’Ecole Vinet, rue du Midi 12, une institution privée ouverte en 1839, connue pour être le premier établissement dans le canton à offrir la possibilité à celles-ci de suivre des études secondaires. Si le programme des cours de la division supérieure comprend quelques conférences à portée féministe, une place prépondérante est toutefois réservée aux travaux pratiques et en particulier ménagers, en vertu d’une conception générale selon laquelle l’enseignement dispensé est différent selon le sexe. Il s’agit ni plus ni moins de doter ces futures épouses et mères de toutes les compétences nécessaires à la bonne marche de leur foyer. Aux enseignantes, les cours de coupe et couture, la cuisine courante, la pâtisserie et les conserves, l’économie domestique (comprenez la tenue du ménage), au professeur docteur Jules Taillens, les cours de puériculture. Avis à celles et ceux qui reconnaîtront des pionnières parmi ces gymnasiennes âgées d’au moins 17 ans et d’apparence si sérieuse, à commencer par leur maîtresse de classe, Mlle Jeanne Guisan!
La Conférence de Lausanne sur la paix
A l’initiative de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Italie, Lausanne accueille en effet toutes les parties au conflit résultant de la dissolution de l’Empire ottoman à l’issue de la Première guerre mondiale, dans le but de conclure un nouveau traité de paix. La conférence s’ouvre par une séance inaugurale le 20 novembre dans la grande salle du Casino de Montbenon (aujourd’hui salle Paderewski).
Dans l’assistance, se côtoient aussi bien le président du Conseil des ministres d’Italie Benito Mussolini (n° 1) (qui a marché sur Rome avec ses troupes fascistes les 27 et 31 octobre), des délégués japonais, que le Syndic de Lausanne, Arthur Freymond (n° 16), tandis que la délégation russe dirigée par le commissaire du peuple aux affaires étrangères, Georges Tchitchérine, n’arrive que le 1er décembre 2022. Alors que les négociations se déroulent officiellement à l’hôtel du Château d’Ouchy, la capitale vaudoise voit ses très grands hôtels investis durant onze semaines d’intenses tractations et sa tradition hospitalière mise à rude épreuve suite à l’assassinat du délégué russe Vorowsky par le suisse Conradi. La conférence se conclut dans l’aula du Palais de Rumine par la signature du traité dit de Lausanne le 24 juillet 1923 qui fixe les frontières de la Turquie moderne en réglant des transferts de populations et Constantinople devient Istanbul.
Les Ballets Russes au Grand Théâtre
Une troupe de ballet russe donne une représentation de danses plastiques au Grand Théâtre le 18 novembre. Le Lausanne artistique annonce de «superbes artistes» ayant obtenu «le plus gros succès au Kursaal de Montreux où ils viennent de se produire». La Feuille d’Avis de Montreux se fait l’écho de critiques pour suggérer que «les émissaires de S. Diaghilew» en sont à l’origine. Selon un journaliste genevois, Valeria Ellanskaya a réalisé «quelques effets plastiques (…) en général assez dénués d’originalité et sans grande signification rythmique et musicale», alors que pour son confrère montreusien, ses danses sont «réellement d’une beauté sculpturale» et la soirée «laissera un souvenir très pur de grâce et de lumineuse beauté chez tous ceux qui eurent le bon esprit et le bon goût d’y assister», se félicitant d’un public «aussi nombreux que sélect». Si concurrence entre danseurs russes il y a – les Sakharoff se sont produits dans la même salle le mois précédent –, avenue du Théâtre 12, on est loin des chapiteaux et des manèges que les forains vous vendent pour un sou places du Tunnel et de la Riponne. Et le journaliste du Droit du Peuple de conclure: «Combien de temps encore la classe ouvrière restera-t-elle, de par l’excessive élévation des prix d’entrée, à la porte de ces spectacles?»
Charline Dekens, responsable des Archives, mai 2022
Les Archives de la Ville de Lausanne
Service des bibliothèques et archives
Rue du Maupas 47
1004 Lausanne