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Liberté syndicale et droit de grève (art. 28 Cst ; art. 11 CEDH)

L’article 28 de la Constitution fédérale suisse (Cst), intitulé "Liberté syndicale" prévoit que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d’y adhérer ou non. Que les conflits sont, autant que possible, réglés par la négociation ou la médiation et que la grève et le lock-out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation.

Enfin, l’article constitutionnel précise que la loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes.

La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) sous l'intitulé « Liberté de réunion et d’association » prévoit quant à elle à son article 11 que toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État.

En 2020, en pleine propagation du COVID-19 en Suisse, le Conseil fédéral (CF) a édicté une Ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Ordonnance COVID-19). Ce texte a plusieurs fois été modifié pour tenir compte de la situation sanitaire. La version du 13 mars 2020 prévoyait notamment l’interdiction générale des manifestations publiques ou privées accueillant simultanément 100 personnes ou plus sous peine de poursuites pénales sans que cette interdiction ait pu faire l’objet d’un contrôle juridictionnel de proportionnalité.

La Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) association ayant pour but la défense des intérêts de ses membres (travailleurs et organisations) a été empêchée d’organiser une manifestation le 1er mai 2020 ainsi que divers réunions en raison de l’Ordonnance COVID-19. La CGAS a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) pour violation de l’article 11 CEDH.

La CourEDH a jugé (CourEDH, CGAS c. Suisse, requête n°21881/20 du 15 mars 2022), en substance, que compte tenu de l’importance de la liberté de réunion, de la durée de l’interdiction des manifestations publiques et de la sévérité des sanctions pénales prévues, la Suisse avait outrepassé sa marge d’appréciation. Par conséquent, les mesures qui avaient été prises via l’Ordonnance COVID-19 n’avaient pas été proportionnées aux buts poursuivis.

Définition du droit de grève

La jurisprudence définit la grève comme étant « le refus collectif de la prestation de travail dû, dans le but d’obtenir des conditions de travail déterminées de la part d’un employeur » (ATF 4A_64/2018). La doctrine précise que les grévistes ne peuvent être que des employés et que l’exercice du droit de grève consiste en une suspension de la prestation de travail de ces derniers ce qui a pour conséquence de suspendre l’obligation de verser le salaire de la part de l’employeur.

Conditions de validité

Pour être licite, le droit de grève doit remplir 4 conditions cumulatives, devant être alléguées et dont l’existence doit être démontrées par les employés qui l’invoquent:

1) La grève doit se rapporter à une relation de travail.

La grève doit se rapporter à une relation de travail déterminée, en particulier sur une question qui puisse être réglementée via une convention collective de travail. Cela implique que, pour être licite, la grève ne doit pas porter sur des prétentions juridiques déjà existantes pour lesquelles les travailleurs disposent d’autres moyens juridiques pour faire valoir leurs droits comme la saisie des tribunaux. Par ailleurs, n’entre pas non plus dans le contexte de "relation de travail" une grève dite "politique", c’est-à-dire qui a pour but de faire pression sur des autorités et non sur l’employeur.

2) La grève doit être soutenue par une ou plusieurs organisations de travailleurs au sens de l’article 356 du Code des obligations (CO), c’est-à-dire une organisation ayant la personnalité juridique et la capacité de conclure une convention collective de travail.

Cette condition exclut par exemple une grève qui serait menée uniquement par la représentation des travailleurs au sens de la Loi sur la participation ou qui serait organisée spontanément, par des collaborateurs mécontents. Un travailleur isolé ne pourrait pas non plus décider de se mettre en grève. En cela le droit de grève n’est pas un droit constitutionnel individuel.

3) La grève doit respecter l’obligation de maintenir la paix du travail.

Cette obligation trouve sa source à l’article 357a al. 2 CO qui prévoit que chaque partie maintient la paix du travail et, en particulier, s’abstient de tout moyen de combat quant aux matières réglées dans la convention; l’obligation de maintenir la paix n’est illimitée que si les parties en sont convenues expressément. L’article de loi fait référence à la paix dite "relative" qui impose aux parties à une CCT de s’abstenir de faire la grève sur des sujets qui sont réglés par la CCT. Le texte même de la CCT peut prévoir une obligation de paix "absolue" qui impose de ne pas faire grève aussi aux matières qui ne sont pas réglées dans la CCT. L’obligation de maintenir la paix du travail est liée à l’existence d’une convention collective de travail. Cette condition va déterminer le caractère licite ou non de la grève et, le cas échéant, l’éventuelle violation de l’obligation de fidélité du travailleur.

4) La grève doit être proportionnée.

Cette condition trouve son fondement à l’article 28 al. 2 de la Constitution fédérale qui prévoit que les conflits sont, autant que possible, réglés par la négociation ou la médiation. En d’autres termes, il convient de rechercher des solutions à l’amiable, consensuelles en cas de conflit de travail. La grève ne sera donc admise et licite qu’en dernier recours au titre d’ultima ratio. Le principe de la proportionnalité s’applique aussi aux modalités de la grève en ce sens que, dans le cadre de celle-ci, le combat doit être mené de manière loyale sans violence ni en portant atteinte aux bien de l’entreprise. Par ailleurs, la grève doit être limitée dans le temps. La grève ne doit pas être plus incisive qu’il n’est nécessaire pour atteindre le but visé.

A noter que certains travailleurs peuvent faire partie des catégories de personnes auxquelles la loi interdit formellement de faire grève (art. 28 al. 4 Cst). Une telle restriction doit reposer sur des motifs d’ordre public comme la sécurité ou la santé publique et figurer dans une loi formelle fédérale ou cantonale. Par exemple, une telle limitation peut être envisagée pour des travailleurs occupés dans des services essentiels pour le public tels que la lutte contre le feu ou les soins.

Offices de prévention et de règlement des conflits collectifs

La Loi fédérale sur le travail dans les fabriques prévoit qu’en vue de régler à l’amiable les différends d’ordre collectif entre fabricants et ouvriers sur les conditions du travail ainsi que sur l’interprétation et l’exécution de contrats collectifs ou de contrats-types, les cantons instituent des offices de conciliation permanents, en tenant compte des besoins des diverses industries.

La loi prévoit que les offices cantonaux interviennent d’office ou à la demande et que la procédure est gratuite. Les personnes citées par l’office sont tenues de prendre part aux débats et de fournir tous renseignements demandés.

Dans le canton de Vaud, c’est l’Office cantonal de conciliation et d’arbitrage en cas de conflits collectifs du travail qui est compétent pour prévenir et régler les conflits collectifs entre employeurs et employés.

Exemple jurisprudentiel

Dans cette affaire, le Tribunal fédéral (ATF 4A_64/2018) a du se pencher sur la licéité d’une grève effectuée par du personnel hospitalier. Si, dans un premier temps, les conditions de validité furent remplies, les juges ont estimé que la grève était devenue illicite à partir du moment où les grévistes ont fait valoir une revendication politique au détriment de la relation de travail. Par ailleurs, le Tribunal a rappelé que le fait que la grève soit illicite ne signifie pas automatiquement que les travailleurs qui y avaient participés puissent être licenciés avec effet immédiat et qu’il fallait examiner l’ensemble des circonstances qui avaient conduit au licenciement pour déterminer si les licenciements immédiats étaient justifiés ou non.

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