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Résiliation abusive du contrat de travail (art. 336, 336a et 336b CO)

Définition et principe

Le congé est abusif lorsqu'il est donné – y compris pendant le temps d'essai – par l’employeur ou par le travailleur pour les motifs ci-dessous:

  • Raisons inhérentes à la personne: Il s’agit de l’ensemble des caractéristiques d'une personne dignes d'être protégées par la loi, notamment:
    • le genre
    • le statut familial, la grossesse et l'accouchement
    • l'origine
    • la nationalité
    • l'orientation sexuelle
    • l'âge
    • les antécédents juridiques
    • la séropositivité, la maladie, le handicap
    • la cohabitation avec une personne travaillant pour un employeur concurrent
    • la conception du monde

N’est pas considéré comme abusif le congé motivé par ces éléments, lorsqu’ils ont un lien direct avec les rapports de travail ou lorsqu’ils portent, sur un point essentiel, un préjudice grave à l’entreprise.
Exemple 1. Une maladie chronique qui empêcherait un employé de travailler plusieurs mois de suite n’est pas nécessairement considérée comme un motif abusif de renvoi (l’exécution du travail n’étant plus possible). Le Tribunal fédéral (ATF 4A_390/2021) a confirmé que l’employeur pouvait licencier un travailleur malade, une fois le délai de protection de l’article 336c al. 1 let. b CO, lorsque la maladie remettait en cause l’aptitude au travail de l’employé.
Exemple 2. Il n’est pas non plus abusif de licencier un employé au caractère réputé «difficile» qui nuit notablement au travail commun dans l’entreprise. A condition toutefois que l’employeur ait pris toutes les mesures que l’on pouvait attendre de lui pour désamorcer le conflit qui a conduit au licenciement (ATF 4A_130/2016).
Exemple 3. le licenciement «à titre préventif» d’une employée parce que son concubin - ancien employé de l’entreprise - était parti rejoindre la concurrence n’a pas été jugé abusif. Le Tribunal fédéral a considéré qu’au vu de la concurrence acharnée dans le milieu professionnel en question, l’employée était sujette à violer son obligation de fidélité même de manière involontaire (ATF 4C.72/2002).
Exemple 4. Le travailleur âgé de plus de 50 ans bénéficiant de plus de dix années de service ininterrompues auprès du même employeur dispose d’un droit à bénéficier d’égards particuliers avant la résiliation de son contrat en vertu de l’article 328 CO (ATF 4A_558/2012; ATF 4A_401/2016; ATF 4A_31/2017). Dans un arrêt du 2 juin 2021, le Tribunal fédéral a jugé que la fonction de cadre dirigeant de l’employé, malgré son âge et sa grande ancienneté, justifiait qu’il n’y avait pas d’égards particuliers à avoir lors du licenciement (ATF 4A_44/2021).

  • Exercice d'un droit constitutionnel (exemple: appartenance à un parti politique, liberté de croyance)
  • Empêcher la naissance de prétentions juridiques (exemple: éviter le paiement d'une gratification)
  • Prétentions de bonne foi, résultant du contrat (exemple: demande de compenser les heures supplémentaires)
  • Obligations légales sans avoir demandé de l'assumer (exemple: convocation à une audience judiciaire, tutelle, service militaire, protection civile, service civil).

Est également abusif le congé donné (même pendant le temps d’essai) par l’employeur pour les motifs suivants:

  • Appartenance ou non à une organisation de travailleurs
  • Pendant que le travailleur représentant élu des travailleurs est membre d'une commission d'entreprise ou d'une institution liée à l'entreprise
  • Non-respect de la procédure de consultation prévue pour les licenciements collectifs.

A noter que:

  • selon le Tribunal fédéral (ATF 132 III 115), le caractère abusif d’une résiliation peut aussi découler de la manière dont la partie qui met fin au contrat exerce son droit: en effet, même lorsque le licenciement est légitime, la partie doit agir avec égard; le licenciement peut donc se révéler abusif lorsque l’employeur porte atteinte à la personnalité du travailleur dans le contexte du licenciement (les conséquences économiques du licenciement ne sont pas en tant que telles susceptibles de fonder le caractère abusif du licenciement)
  • l’employeur qui se fonde sur sa propre violation du contrat de travail pour signifier le congé agit de manière abusive (exemple: un travailleur harcelé par son supérieur direct entre en dépression et se met à l’arrêt; à l’issue du délai de protection (art. 336c CO) l’employeur le licencie; or ce dernier, bien qu’étant au courant du harcèlement, n’a pris aucune mesure pour le faire cesser, malgré ses obligations contractuelles et légales dans ce cadre (ATF 4A_166/2018)
  • un licenciement abusif n’entraîne pas l’annulabilité du congé, excepté lorsqu’il s’agit d’une résiliation fondée sur une discrimination quant au genre (en vertu des articles 9 et 10 de la Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg). Ce n’est que dans ce dernier cas que la réintégration au sein de l’entreprise est possible.

Exemples de licenciement abusif

  • Le Tribunal Fédéral a estimé qu’était abusif le licenciement d’un travailleur fondé sur une baisse de rendement et une période de maladie alors que ces dernières étaient causées par le mobbing subi par le travailleur et que l’employeur tolérait. Ainsi, la Haute Cour a estimé que l’employeur ne pouvait pas tirer argument de ses propres manquements (devoir de protection de la personnalité du travailleur, art. 328 al.1 CO) pour justifier le licenciement d’un travailleur (Arrêt 4A_215/2022 du 23 août 2022).
  • Le Tribunal fédéral a considéré que la résiliation du contrat de travail était abusive à l’égard d’un agent de plus 50 ans, au bénéfice d’un très long rapport de service dans un domaine spécialisé, prononcée dans le cadre d’une réorganisation qui constituait un moyen pour le licencier et non un but en soi, sa place ayant été redéfinie et non réellement supprimée (ATF A_5665/2014).
  • Lorsque la démission d’un salarié est entachée d’un vice du consentement qui l’autorise à revenir sur sa décision, les rapports de travail doivent se poursuivre dans la mesure où la démission ne peut pas déployer ses effets. Il en découle que, dans ce contexte, l’employeur qui ne se plie pas à son obligation de continuer les rapports de travail, commet une résiliation abusive du contrat qui n’est pas acceptable (ATF 8C_672/2015).
  • Une résiliation ordinaire est considérée abusive lorsque l’employeur accuse le travailleur d’un comportement contraire à l’honneur, alors que ce dernier apparaît infondé et que l’employeur n’a conduit aucune investigation. Mais selon le Tribunal fédéral (ATF 4A_694/2015), la résiliation n’est pas abusive lorsque l’accusation est seulement infondée car le soupçon d’un grave méfait peut constituer un juste motif de renvoi. Pour que la résiliation ordinaire soit abusive, il faudrait également que l’employeur ait accusé le travailleur sans justification raisonnable. L’employeur doit mener une enquête avant de licencier quelqu'un suite à une dénonciation, par exemple en mandatant un mandataire externe ou en menant une enquête respectueuse des garanties de la procédure pénale. Ces démarches ne peuvent être définies de manière générale et abstraite car elles dépendent du cas concret. Dans l’arrêt du Tribunal fédéral précité, l’employeur a licencié le travailleur accusé de vol par un collègue. Bien que l’employeur ait interrogé le travailleur, il n’a pas mené d’autres investigations. De plus, l’employeur n’a pas permis au travailleur de se faire assister alors que lui-même était secondé par deux membres du personnel d’encadrement, et n’a pas préalablement averti le travailleur des soupçons qui pesaient sur lui. Le Tribunal fédéral a donc reconnu, en l’espèce, le caractère abusif du licenciement.

Exemple de licenciement non-abusif

Le Tribunal fédéral (ATF 4A_656/2016) a rejeté le recours d’un travailleur qui s’était opposé à son licenciement en invoquant notamment le fait que celui-ci était abusif au sens de l’article 336 al. 2 let. b CO en raison de son appartenance à une organisation de travailleurs. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé sa pratique constante selon laquelle «un licenciement donné pour des motifs économiques n'est pas abusif, pour autant qu'il ne soit pas en lien avec l'activité exercée par l'employé comme représentant élu des travailleurs (ATF 133 III 512 c. 6; 138 III 359 c. 6.2)». Il a, par ailleurs, précisé qu’il «résulte (…) des constatations cantonales que l'employeur a établi à suffisance de droit que le licenciement [du travailleur] était dû à des motifs économiques et de restructuration (…). Cela étant, les magistrats cantonaux sont parvenus à une conviction, à la suite de leur appréciation des preuves. Toujours selon la Haute cours, une fois que la preuve est rapportée et que la conviction du juge [cantonal] est acquise, il n'y a plus de place pour une règle sur l'attribution de l'échec de la preuve (règle sur le fardeau de la preuve).»

Conditions

Le Tribunal fédéral considère que la partie qui donne le congé ne doit pas prendre sa décision avec légèreté ni sans justification raisonnable lorsqu'elle se base sur des accusations ou des faits qui mettent en cause le comportement de l’autre partie. En effet, elle doit vérifier les faits dénoncés et permettre à l’autre partie de défendre son honneur (ATF 4A_694/2015).

Quant à la partie qui reçoit le congé, elle doit établir le motif abusif et l'existence d'un lien de causalité entre ce motif et la résiliation du contrat de travail. L'autre partie bénéficie d'un droit de "contre preuve" pour démontrer que la résiliation du contrat de travail n'est intervenue que sur la base de motifs licites.

En cas de pluralité des motifs, il n’y a pas lieu de prendre en compte un motif quelconque parmi les motifs répréhensibles qui n’aurait que faiblement causé la résiliation. En effet, selon le Tribunal fédéral, pour caractériser l’abus, le motif répréhensible doit être déterminant (ATF 4A_19/2015). Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral n’a pas retenu que la cause prépondérante du licenciement était liée à l’insistance du travailleur à obtenir une modification du contrat de travail.

Démarche

Pour faire valoir le caractère abusif du congé devant un juge, il faut tout d’abord s’opposer au congé lui-même par écrit (et non pas uniquement aux motifs du licenciement) au plus tard avant la fin du délai de congé en laissant à la partie qui a donné le congé la possibilité de revenir sur sa décision (ATF 4A_320/2014). Selon la doctrine majoritaire, l’opposition doit parvenir dans la sphère d’influence de l’employeur avant l’expiration du délai de congé.

Cette notification est la condition préalable à l’action en justice proprement dite qui devra être intentée dans les 180 jours à compter de la fin des rapports de travail, sous peine de péremption.

Sanctions

Dans l’hypothèse où le tribunal décide que la résiliation du contrat de travail est abusive, il condamne l’autre partie à verser une indemnité limitée à un montant maximum correspondant à 6 mois de salaire du travailleur, respectivement 2 mois si le motif relève du non-respect de la procédure pour licenciement collectif (art. 336a CO). Le Tribunal fédéral (ATF 4A_532/2021) a rappelé que le montant de l’indemnité était évalué selon les règles du droit et de l’équité, en vertu de l’article 4 du Code Civil, et qu’il fallait tenir compte de la gravité de la faute commise par l’employeur voire d’une éventuelles faute concomitante de l’employé, de la gravité de l’atteinte à la personnalité du travailleur, de son âge, de la durée et de l’intensité de la relation de travail et des effets du licenciement ainsi que les difficultés de réinsertion qui en découlaient.

Cette indemnité est à la fois punitive et réparatrice c’est-à-dire qu’elle a pour but de compenser l’atteinte que subit le travailleur du fait de la résiliation. Le Tribunal fédéral considère que cette indemnité ne fait pas partie du « salaire déterminant » au sens de l’article 7 du Règlement sur l’assurance vieillesse et survivants (RAVS). Il n’y a donc pas de cotisations sociales prélevées sur ce montant. Par ailleurs, cette indemnité n’étant pas considérée comme un salaire, elle ne prolonge pas la couverture accident. Cette dernière prend bel et bien fin, en principe, à l’expiration des 31 jours suivant le dernier jour des rapports de travail.

Du point de vue de l’assurance-chômage, l’indemnité n’a pas d’incidence sur la perte de travail à prendre en considération pour pouvoir prétendre aux indemnités.

Enfin, au regard des assurances sociales, l’absence de nature salariale a pour conséquence que le montant de l’indemnité n’est pas pris en considération dans le calcul du droit aux prestations.

Coordonnées

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