Maladie: assurance perte de gain souscrite par l'employeur
Lorsque l'employeur souscrit une assurance perte de gain maladie, il sera libéré de son obligation de verser le salaire à condition que les prestations offertes par l’assurance soient au moins équivalentes à celles prévues à l’article 324a alinéa 1 à 3 du Code des obligations.
Selon le Tribunal fédéral (ATF 128 II 13), l’équivalence est présumée aux conditions cumulatives suivantes:
- le versement de l’indemnité journalière dure 720 ou 730 jours au moins au cours d’une période de 900 jours
- l’indemnité couvre au moins le 80% du salaire
- la prime est payée pour moitié au moins par l’employeur et
- un délai de carence de 2 à 3 jours maximum sans droit au salaire a été conclu.
L’employeur peut opter pour un délai plus long que les 2 ou 3 jours correspondant au délai de carence mentionné ci-dessus. On parlera d’un délai d’attente (qui pourra être imputé sur la période d’indemnisation de 720 jours). Durant cette période, l’employeur devra verser au travailleur un montant équivalent aux prestations d’assurances.
Il peut aussi en principe choisir la durée du délai d’attente, sauf dispositions contraires d’une convention collective de travail ou d’un contrat-type de travail.
Outre l’équivalence, le Tribunal fédéral (ATF 4A_228/2017) a précisé que l’accord dérogatoire doit être écrit et signé par les deux parties au contrat. Par ailleurs, cet accord devrait couvrir «les points essentiels du régime dérogatoire, à savoir les risques couverts, le pourcentage du salaire assuré, la durée des prestations, les modalités de financement des primes, et, le cas échéant, le délai d’attente», précisant qu’un renvoi aux conditions générales d’assurances ou à un autre document tenu à disposition de travailleur remplissait ces exigences.
Dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral (ATF 4A_228/2017) a rejeté le recours d’un employé qui prétendait que l’employeur s’était engagé à souscrire une assurance perte de gain maladie, invoquant sa lettre d’engagement qui l’informait que «la perte de gain en cas de maladie était assurée à 80% dès le 3e jour». Dans son argumentation, le Tribunal fédéral a jugé que cette information ne satisfaisait pas aux conditions du régime dérogatoire prévu à l’article 324a al. 4 CO étant donné que le contrat de travail écrit (qui, quant à lui, avait été signé par les parties dans un second temps) ne mentionnait pas la durée des prestations et les modalités de financement des primes ni même ne renvoyait à des conditions générales d’assurance, soit deux éléments essentiels d’un régime dérogatoire. L’employeur n’avait déduit du salaire aucune participation à une quelconque assurance perte de gain maladie ce qui ne permettait pas de retenir un régime dérogatoire convenu par actes concluants. Cette absence de prélèvement sur le salaire ne permettait pas au salarié d’en déduire de bonne foi que son salaire était assuré.
L’employeur qui souscrit une assurance satisfaisant aux exigences précitées, et qui respecte ses obligations notamment en ce qui concerne le paiement des primes et l’annonce du sinistre en temps utile, est libéré de son obligation de verser le salaire. Le travailleur peut néanmoins demander une avance sur salaire en vertu de l’article 323 al. 4 CO (JAR 1995 12). Le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’une assurance perte de gain maladie verse des indemnités journalières à un travailleur et que le médecin conseil de l’assurance estime que le travailleur est apte à travailler, ce qui a pour conséquence de suspendre le versement des indemnités, le travailleur, dont le médecin maintient l’arrêt de travail, ne peut faire valoir aucune prétention salariale à l’encontre de l’employeur étant donné qu’il est libéré de son obligation de verser le salaire aussi longtemps que l’incapacité perdure (ATF 4A_42/2018 cons. 5).
L’assurance perte de gain en cas de maladie sera soumise - au choix de l’employeur - à la Loi fédérale sur l’assurance maladie (art. 67 à 77 LAMal) ou à la Loi fédérale sur les contrats d’assurance (LCA). Dans les faits, la grande majorité des assurances perte de gain en cas de maladie sont conclues sous l’égide de la LCA.
Assurances soumises à la LAMal
Cette assurance est réglementée aux articles 67 à 77 LAMal et précisée dans les conditions générales d’assurance établies par les assureurs-maladies. Les prestations sont strictement définies dans la loi (art. 72 LAMal) et les réserves sont limitées dans le temps. Seule une incapacité de travail de 50% au moins ouvre droit à des prestations (art. 72 al. 2 LAMal).
Certaines conventions collectives de travail ou des contrats-type prévoient expressément que l’employeur doit conclure une assurance «régie selon la LAMal». Dans ce cas, l’employeur a la possibilité de conclure une assurance au sens des articles 67 et suivants LAMal ou de convenir avec l’assureur LCA une couverture respectant les principes fixés dans la LAMal.
Le preneur d’assurance est l’employeur et le bénéficiaire le travailleur. Le droit aux prestations d’assurance appartient de par la loi directement à l’assuré/travailleur (art. 67 LAMal; art. 87 LCA). A noter cependant que, selon l’article 19 al. 2 LPGA, les prestations de l’assurance sont versées à l’employeur dans la mesure où il continue à verser un salaire à l’assuré malgré son droit à des indemnités journalières.
A de la fin des rapports de travail, il existe un droit de passage intégral, quelle que soit la situation personnelle et professionnelle de l’assuré, qu’il s’agisse de passer d’un assureur collectif à un autre ou d’une assurance collective à une assurance individuelle. En vertu de l’article 71 al. 1 LAMal, «lorsqu'un assuré sort de l'assurance collective parce qu'il cesse d'appartenir au cercle des assurés défini par le contrat ou parce que le contrat est résilié, il a le droit de passer dans l'assurance individuelle de l'assureur. Si, dans l'assurance individuelle, l'assuré ne s'assure pas pour des prestations plus élevées, de nouvelles réserves ne peuvent être instituées; l'âge d'entrée déterminant dans le contrat collectif est maintenu. (…) L'assuré doit faire valoir son droit de passage dans les 3 mois qui suivent la réception de la communication».
Assurances soumises à la LCA
Bien que la Loi fédérale sur le contrat d’assurance donne aux parties une grande latitude, dans les faits, les contrats d’assurances LCA s’inspirent du système mis en place par la LAMal.
Il n’empêche que les délais d’attente et la durée des prestations peuvent être librement convenus entre les parties (employeur et assureur), que les réserves ne sont pas limitées et que des risques peuvent être totalement exclus.
En cas d’incapacité de travail partielle, il est souvent prévu que l’assurance verse des prestations à partir d’un degré d’incapacité de 25%. Les parties peuvent également définir une période de prestation proportionnée au taux d’incapacité (par exemple prestations versées durant 1440 jours, au lieu de 720 jours, en cas d’incapacité de travail de 50%).
La couverture cesse le dernier jour des rapports de travail, ce qui conduit à exclure toute prestation pour une nouvelle maladie. En revanche, l’assureur doit verser les prestations jusqu’à épuisement de celles-ci (en général sur 720 jours) lorsque la maladie survient durant la période de couverture, à savoir en principe durant les rapports de travail (ATF 4A_186/2010). En d’autres termes, la fin des rapports de travail n’entraîne pas la fin du versement des prestations. Les parties au contrat d’assurance peuvent toutefois y déroger et convenir que le paiement des indemnités journalières prend fin avec le contrat de travail (ATF 127 III 106). Le Tribunal fédéral a confirmé la licéité de ce type de clause, jugeant qu’elle n’est pas insolite (ATF 4A_502/2020). Quoi qu’il en soit, le travailleur a la possibilité de maintenir son droit aux prestations d’assurance après la fin des relations contractuelles de travail, en formulant une demande de transfert dans l’assurance individuelle. Les conditions générales d’assurance fixent le délai durant lequel cette demande doit intervenir.
Pour ce qui a trait aux montants des indemnités journalières après la fin du contrat, il convient de se demander si l’assurance soumise à la LCA est une assurance de somme ou une assurance de dommage. Cette information se trouve dans le contrat d’assurance et dans les conditions générales. Le Tribunal fédéral a confirmé qu’en présence d’une assurance de somme, la question du montant des indemnités après la fin des rapports contractuels ne se posait pas, étant donné que ce type d’assurance garantissait une prestation déterminée devant être versée en cas de survenance d’un cas assuré. A contrario, en cas de couverture par une assurance de dommage, les parties au contrats font de la perte patrimoniale effective une condition du droit aux prestations. Dans l’affaire que le Tribunal a été amené à juger, la personne assurée était tombée malade après avoir été licenciée, durant le délai de congé. Estimant que l’employé n’avait pas rendu vraisemblable la reprise d’une activité après la fin de son contrat, l’assureur avait considéré que le dommage subi par l’employé correspondait aux prestations qui lui auraient été versées par l’assurance-chômage s’il n’avait pas été malade, c’est-à-dire 70% du gain maximum assuré (10% de Fr. 148'200.- = Fr. 103'704.-). Le Tribunal a confirmé cette manière de faire (ATF 4A_424/2020).
Pour arriver à ce résultat, les juges ont rappelé les principes concernant la preuve de la perte de gain: la personne sans emploi qui n’a pas le droit au chômage doit prouver l’existence d’une perte de gain pour pouvoir prétendre à des indemnités journalières. La personne doit donc démontrer que si elle n’avait pas été malade, elle aurait exercé une activité lucrative. En cas de licenciement, le moment de la résiliation est déterminant pour déterminer quand cette présomption s’applique: si le travailleur est devenu incapable de travailler en raison d’une maladie avant la résiliation du contrat, il y a une présomption de fait selon laquelle sans la maladie, la personne exercerait encore une activité lucrative. A l’inverse, lorsque l’employé tombe malade après avoir été licencié mais avant la fin du contrat, celui-ci jouit en effet d’une présomption selon laquelle il aurait travaillé pour une autre entreprise s’il n’avait pas été malade mais il ne peut pas bénéficier de la présomption de fait du maintien du même salaire!
Litige sur la capacité de travailler de l’employé
Le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’une assurance perte de gain maladie verse des indemnités journalières à un travailleur et que le médecin conseil de l’assurance estime que le travailleur est apte à travailler, ce qui a pour conséquence de suspendre le versement des indemnités, le travailleur, dont le médecin maintient l’arrêt de travail, ne peut faire valoir aucune prétention salariale à l’encontre de l’employeur étant donné qu’il est libéré de son obligation de verser le salaire aussi longtemps que l’incapacité perdure (ATF 4A_42/2018 cons. 5).
Seule la maladie (y compris la grossesse pathologique) peut faire l’objet d’une assurance perte de gain. Les autres causes d’empêchement sont régies par l’article 324b CO pour ce qui est de l’accident, et par l’article 324a al. 1 et 2 CO pour ce qui est de l’accomplissement d’une obligation légale ou d’une fonction publique. Pour ces cas, l’obligation de l’employeur de verser le salaire subsiste dans les limites imparties par la loi.
Incapacité limitée à la place de travail
Le Tribunal fédéral (ATF 4A_391/2016) admet la notion de certificat médical limité à la place de travail. En d’autres termes le médecin-traitant, le médecin-conseil de l’employeur ou de l’assurance perte de gain pourraient déclarer le travailleur concerné inapte au travail dans le cadre de l’entreprise qui l’emploie, sans remettre en question son aptitude au travail en dehors de celle-ci.
Dans une affaire du 12 avril 2021 (ATF 4D_7/2021), le Tribunal fédéral a confirmé qu’une incapacité de travailler liée à la place de travail devait être prise en charge par l’assurance perte de gain maladie de l’employeur comme une incapacité de travailler « ordinaire » ce qui implique le versement des indemnités journalières.
Obligation de diminuer le dommage
Le travailleur (assuré bénéficiaire) en arrêt maladie est soumis à l’obligation de diminuer le dommage, que ce soit dans le cadre d’un contrat d’assurance perte de gain LAMal ou LCA. Le travailleur pourrait dès lors se voir imposer un changement de profession. Le cas échéant, l’assureur doit lui impartir un délai raisonnable pour entreprendre une reconversion professionnelle. Le Tribunal fédéral (ATF 129 V 460), considère suffisant un délai de 3 à 5 mois durant lequel l’indemnité journalière reste due.
Dans ce cadre, l’assuré peut voir les prestations en espèces de l’assurance réduites (temporairement ou définitivement), voire refusées lorsqu’il aggrave le risque assuré ou en a provoqué la réalisation intentionnellement ou en commettant intentionnellement un crime ou un délit. Les prestations peuvent également être réduites ou refusées temporairement ou définitivement si l'assuré se soustrait ou s'oppose, ou encore ne participe pas spontanément, dans les limites de ce qui peut être exigé de lui, à un traitement ou à une mesure de réinsertion professionnelle raisonnablement exigible et susceptible d'améliorer notablement sa capacité de travail ou d'offrir une nouvelle possibilité de gain. Et si l'assuré subit une mesure ou une peine privative de liberté, le paiement des prestations pour perte de gain peut être partiellement ou totalement suspendu (art. 21 LPGA).
L’employeur doit quant à lui collaborer activement avec l’office de l’assurance invalidité dans le cadre de la procédure de détection précoce prévue à l’article 7c LAI. Il doit notamment contribuer, dans la mesure du possible, à la mise en œuvre d’une solution adéquate visant à réintégrer le travailleur atteint dans sa santé.
Devoir d’information
Régime LAMal. L’assureur a l’obligation d’informer le travailleur malade à la fin des rapports de travail, en vertu de l'article 71 al. 2 LAMal. Il doit notamment faire en sorte que l'assuré (le travailleur) bénéficie des renseignements par écrit sur son droit de passage dans l'assurance individuelle. S'il omet de le faire, l'assuré reste dans l'assurance collective.
Régime LCA. C’est l’employeur (et non l’assureur) qui a un devoir d’information, en vertu de l’article 331 al. 4 CO, notamment pour ce qui est du délai dans lequel le travailleur doit agir pour sauvegarder ses droits de transfert, car ce dernier est fondé à penser que les prestations continueront à être versées après la fin des rapports de travail (ATF 4A_186/2010). La violation du devoir d’information entraîne pour l’employeur le devoir de réparer le dommage causé au travailleur pour n’avoir pas bénéficié d’indemnités journalières fondées sur les normes générales en matière d’inexécution contractuelle (ATF 135 III 640; ATF 4A_300/2017).
A noter que dans le cas d’un licenciement avec effet immédiat justifié qui surviendrait durant un arrêt maladie (par exemple suite à la découverte d’un délit), le travailleur continuerait de bénéficier des indemnités journalières assurées peu importe le régime applicable (sous réserve d’une clause contraire dans les conditions générales d’assurance).
Contentieux
Régime LAMal. Le litige est soumis aux règles de procédure de la Loi fédérale sur la partie générale des assurances (art. 56 ss LPGA), ainsi qu’au recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (LTF).
Régime LCA. Le litige est soumis à la procédure simplifiée du Code de procédure civile (art. 243 al. 2 let. f CPC) et au recours en matière civile au Tribunal fédéral (LTF). Les cantons peuvent instituer un tribunal qui statue en tant qu’instance cantonale unique sur ce type de litige (art. 7 CPC).
Pour les deux régimes, il n’y a pas de frais de justice et ce quel que soit le montant de la valeur litigieuse. [(art. 61 let. a LPGA ; art. 113 al. 2 let. f CPC (procédure de conciliation); art. 114 let. e CPC (procédure au fond); art. 243 al. 2 let. f CPC (procédure simplifiée)].
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